Chapitre I
Le lundi matin au bureau, chacun essayait de retrouver ses repères. Jack et Sue arrivèrent les premiers suivis de Tara et Bobby qui se précipitèrent sur le café. Lucy précéda Dem de quelques minutes et Myles entra en sifflotant. Lucy regarda Bobby qui regarda Jack et tous en chœur :
- Alexandra !
Maintenant tout le monde savait pourquoi il était de bonne humeur le matin. Ce jour-là, il n’y eut que de la paperasse comme si les terroristes et autres malfaiteurs étaient en vacances. A l’heure de déjeuner, ils se retrouvèrent tous chez l’Italien du coin. Ils remercièrent encore chaleureusement Alexandra pour cette bonne journée et se jetèrent sur leur pizza comme des affamés qu’ils étaient. Au café, elle leur fit une proposition :
- Voilà de quoi il s’agit. Ce matin, la présidente de l’association des anciens élèves de mon lycée m’a appelée pour m’inviter, avec les personnes de mon choix, à assister au gala de charité annuel de notre ancien bahut qui aura lieu début septembre. Mon père étant le président du conseil d’administration, elle ne pouvait faire moins, mais c’est avec une arrière-pensée, bien sûr. Elle me croit toujours obèse. J’ai envie de leur jouer un tour à ma façon. Chaque année, d’anciennes élèves présentent un spectacle : de la magie, de la musique instrumentale du chant, de la danse…J’ai mon idée sur ce que je vais faire. J’aimerais que vous soyez là pour me soutenir. Je m’occuperai de la logistique et je vous promets une soirée mémorable.
- Moi, je marche, annonça Tara. Bobby ?
- D’accord pour moi, renchérit-il.
Et les autres suivirent.
- Tu nous tiens au courant, ajouta Sue.
La jeune avocate signa : « Pas de problème ! » La pause avait passé très vite et ils durent retourner à leurs occupations respectives. Myles et Alexandra étaient les seuls à se séparer. Il la raccompagna jusqu’à son bureau où il put enfin lui donner le baiser dont il avait envie depuis qu’ils s’étaient quittés le matin, sur ses lèvres parfumées au jasmin. Elle se sentit chavirer comme à chaque fois qu’il la touchait et répondit ardemment.
Il redescendit quelques étages et fut intercepté par Lucy :
- Myles, le grand patron sur la deux, fit-elle.
Il décrocha presque au garde à vous :
- Leland! Bonjour monsieur, … j’arrive tout de suite.
Il était devenu soudain très pâle ; les convocations au dernier étage étaient rares et toujours de mauvaises augures. Ses amis le regardèrent partir, curieux et inquiets à la fois.
Dix minutes plus tard, il était de nouveau au septième étage.
- Mademoiselle Warren est en rendez-vous avec le responsable de l’intendance, dit Betty, la secrétaire ; vous ne pouvez pas entrer.
Elle n’eut pas à en dire plus, il défonça la porte plus qu’il ne la poussa et cria :
- Dehors, Randy !
Randy, effrayé par son air déterminé prit son dossier et disparut sans demander son reste. Alexandra allait ouvrir la bouche pour protester mais Myles prit les devants :
- Je pars ce soir en mission en Irak ; je venais te dire au revoir .Je dois être prêt dans deux heures, annonça-t-il brusquement.
Elle retomba dans le fauteuil dont elle venait de se lever, les jambes coupées. Son regard se voila.
- Je pars avec toi, dit-elle.
- En Irak ?
- Non, chez toi.
- Je ne passe pas chez moi. On m’attend dans le hall. J’ai juste le temps de te dire au revoir.
Il s’avança vers elle. Elle se leva en chancelant et se rattrapa à son bras ; non, elle ne pleurerait pas, elle ne le devait pas. Elle se ressaisit, détacha sa chaîne où pendait une petite croix en or et la lui accrocha autour du cou :
- Elle m a toujours protégée, à toi maintenant.
Un dernier baiser les réunit, aussi intense, mais plus sensuel que le premier qu’ils avaient échangé ici même un peu plus d’un an auparavant et Myles partit. Il ne voulait pas qu’elle l’accompagne dans le hall.
« Un baiser, songea-t-elle, pourvu que ce ne soit pas le dernier ! ». Elle chassa cette pensée funeste de son esprit, ravala son chagrin et se dit qu’il serait bientôt de retour. Pour tromper ses craintes, elle se plongea dans le dossier que Randy lui avait remis juste avant de se faire virer par Myles. Décidément, ces deux-là ne s’entendraient jamais.
La sonnerie du téléphone la fit sursauter, tellement elle était concentrée sur son travail. Betty lui annonçait que le grand patron l‘attendait immédiatement dans son bureau.
- Bonjour, Alexandra, dit Sam Crawford en l’invitant à s’asseoir. Je ne te demande pas comment tu vas, ça se voit sur ton visage.
Il s’assit dans l’autre fauteuil et poursuivit :
- Ta relation avec Leland étant notoire, j’ai pensé que je devais t’informer de la nature de sa mission. Il est bien entendu que rien ne doit sortir de ce bureau, n’est-ce pas ?
- Vous pouvez compter sur moi, Sam, vous le savez bien, assura-t-elle.
Il la tutoyait, elle le vouvoyait. Ils se connaissaient depuis très longtemps. Il avait été son mentor. Elle avait suivi ses conférences de criminologie qui l’avait passionnée et ils avaient établi des liens d’amitié. Si elle avait choisi d’entrer au FBI, c’était grâce à lui, grâce à leur goût commun pour la justice.
- Leland a été choisi pour préparer une visite présidentielle en Irak parce qu’il a une bonne connaissance du terrain. Ce sera une tournée dans les différents points chauds. Il a rejoint une équipe avec laquelle il a déjà travaillé et qu’il connaît bien. A l’heure actuelle, il doit décoller avec un transport de troupes. Je ne te cache pas que la mission est dangereuse. Même si nous pensons avoir sécurisé ces endroits, il subsiste des risques. Je voulais que tu en sois bien consciente.
- Je le suis, dit-elle d’une voix blanche. Je sais qu’il mènera sa mission à bien et qu’il s’en sortira.
- Je n’en doute pas un instant, ajouta Sam. Il aura la possibilité de te contacter par e-mail ou par téléphone cellulaire, mais toi, tu ne pourras pas le joindre. Si toutefois tu dois le faire, tu passes par ce bureau.
- Bien, je sais à quoi m’en tenir maintenant, constata-t-elle. Est-ce que le reste de l’équipe est au courant ?
- Non, répondit le directeur, tu es la seule et c’est une faveur que je te fais.
Tout était dit, tout était clair. Elle joua avec sa bague de fiançailles.
- Avez-vous fixé la date du mariage ? demanda Sam.
Elle se leva et se dirigea vers la porte. Il l’accompagna.
- Sans doute en décembre …, murmura-t-elle.
Elle ne put achever sa phrase, elle éclata en sanglots.
- Laisse-toi aller, dit Sam, très paternel en la prenant dans ses bras. Ca non plus, ça ne sortira pas d’ici.
Quand elle traversa le bureau des secrétaires, ses yeux rougis firent naître des commentaires et des rumeurs.
Chapitre II
Le bureau commençait à se remplir et on se perdait en conjectures sur Myles. Personne ne l’avait revu après sa convocation chez le directeur général.
- Ecoutez-moi tous, dit Dem très fort pour couvrir le bruit des conversations. Nous avons une sale affaire sur les bras ; un de nos sénateurs que nous appellerons Smith a été retrouvé mort dans le lit d’une prostituée d’Europe de l’est, elle-même décédée. On a retrouvé l’arme du crime dans la chambre. Le revolver appartient à la jeune femme, il porte ses empreintes. Nous n’avons rien d’autre. Voici le dossier contenant les conclusions de l’enquête préliminaire, le rapport de la police scientifique et les résultats de l’autopsie.
Il se retourna comme s’il voulait en donner un exemplaire à Myles.
- C’est vrai, se reprit-il, j’oubliais. Quelqu’un sait où il est ?
- Non, répondit Jack. Nous avons essayé de joindre Alexandra, hier soir, mais c’était lundi et elle était à son cours de danse toute la soirée. Nous avons appelé son bureau, il y a dix minutes et Betty nous a dit qu’elle travaillait avec Marty Pavone toute la journée.
- Moi, j’ai peut-être quelque chose, intervint Lucy.
Six paires d’yeux la fixèrent avec insistance. Elle se sentit soudain importante mais elle était aussi consciente de la gravité de ce qu’elle allait dire.
- J’ai entendu deux secrétaires du directeur Crawford qui bavardaient entre elles et qui disaient que Alexandra était sortie de son bureau, hier après-midi, les yeux rouges. Il paraîtrait qu’il lui a reproché sa relation avec Myles et l’a priée d’y mettre bon ordre et que si Myles n’est pas là, c’est qu’il l’a éloigné volontairement : il aurait été envoyé sur la côte ouest.
- Ce ne sont que des ragots, Lucy, fit Jack qui réagit le premier. Non, je ne peux pas croire ça ! Attendons encore un peu.
- Je tâcherai d’en savoir plus, promit Dem. Mais maintenant, il faut nous mettre au travail et vite car c’est le ministre de la justice en personne qui nous confie cette affaire en nous recommandant la plus grande discrétion. Bobby, Tara, enquête de voisinage style sondage pour le journal du matin. Jack et Sue, dans les bureaux du sénateur ; moi, j’ai rendez-vous dans une heure avec le ministre en personne.
La journée démarrait sur les chapeaux de roues, ici, à Washington tout comme en Irak où un avion de transport de troupes venait de se poser sur le tarmac d’un terrain militaire proche de la frontière jordanienne. Le groupe d’agents spéciaux commandés par le colonel Cooper sauta de l’avion dans un camion à chenillettes, sans prendre le temps de souffler. Leur premier objectif était d’atteindre la ville de Rut Bah avant la nuit où ils pourraient enfin récupérer un peu de leur voyage effectué dans des conditions météorologiques difficiles. Les hommes, secoués par les violentes turbulences, harassés, ne disaient mot. Le soleil brûlant de ce milieu d’après-midi les aveuglait malgré leurs lunettes spécialement conçues pour le désert, la sueur salée leur brûlait la peau du visage. La nuit commençait à tomber lorsque se profila à l’horizon l’un des minarets de Rut Bah d’où s’envolait la prière. Les huit hommes se regardèrent soulagés, dans quelques minutes, ils pourraient enfin dormir.
Une immense tente avait été dressée au milieu du camp, spécialement pour les nouveaux arrivants. Myles jeta un œil autour de lui ; lui qui aimait tant son confort, il lui faudrait s’en passer pendant quelque temps. La fatigue les écrasait tous et quand on leur proposa de choisir leur couchette, il n’y eut pas de bagarre : ils se laissèrent tomber sur la première venue et s’endormirent aussitôt, tout habillés.
On les réveilla aux premières lueur de l’aube, lorsque l’air est encore frais. Ils avaient dormi environ quatre heures. On leur fixa l’heure du briefing et peu de temps après, ils se retrouvèrent à nouveau prêts à prendre la route poussiéreuse et chaotique. L’avantage, cette fois, était qu’ils n’avaient pas de camion bâché mais des véhicules tout terrains qui s’intégrèrent à un convoi de ravitaillement qui partait pour Bagdad. Les agents spéciaux devaient les quitter à Ramadi et commencer la partie du travail de sécurisation qui leur incombait.
Myles monta à l’arrière et se cala dans un coin. Les échanges verbaux avec ses collègues étaient très succincts ; tous étaient désorientés et sous le coup du décalage horaire, car même s’ils avaient pris le médicament qui devait en diminuer les effets, ce n’était pas efficace à cent pour cent. Il ferma les yeux comme pour dormir et pensa à Alexandra. Il espérait pouvoir bientôt entrer en contact avec elle. Le ronflement des moteurs le tira de sa rêverie et le convoi s’ébranla. Il fallait être vigilant, ils étaient à la merci de snipers où qu’ils se trouvent sur cette route qui menait à la capitale. Au même instant, au dernier étage d’un building de Washington, un jeune femme, allongée sur une chaise longue sur sa terrasse, profitait des derniers rayons du soleil en serrant sur son cœur la photo de l’homme qu’elle aimait.
Chapitre III
Huit heures du matin dans les bureaux du FBI, Dem arriva d’un bon pas.
- Des nouvelles concernant Myles ? s’inquiéta Jack.
- Ce que je vais vous dire doit rester entre nous, répondit Dem à mi-voix en regardant autour de lui. Il est en mission spéciale, je n’en sais pas davantage, mais ça je le tiens du directeur Crawford en personne. Mais j’ai plus amusant.
- Raconte, insista Lucy, à ton air je sens que ça va nous plaire.
- Oui, ça va vous plaire, poursuivit Dem. Ca je le tiens de Betty, la secrétaire d’Alexandra. Avant de partir, Myles est allé dire au revoir à sa dulcinée ; Betty lui a interdit l’accès du bureau sous prétexte que sa patronne était en réunion. Vous connaissez notre cher Myles, quand il a décidé quelque chose, il faut qu’il arrive à ses fins. Donc il entre et qui est avec Alexandra ? Je vous le donne en mille …….. Randy !
- Il a dû le balancer dehors ! s’exclama Bobby en riant de toutes ses dents, et sans ménagement.
- Tu décris la scène comme si tu y avais assisté, renchérit Tara qui s’étouffait de rire.
- J’aurais bien voulu voir ça, ajouta Sue.
Ce moment passé à rire leur avait fait le plus grand bien et Dem réclama à nouveau leur attention.
- Bobby et Tara, les conclusions concernant l’enquête de voisinage ?
- Notre sénateur Smith était un homme charmant, très apprécié de ses voisins avec lesquels il s’entendait très bien, commença Tara. Pas de problème d’aucune sorte. Marié à une riche héritière de l’industrie pharmaceutique, il avait quatre enfants de dix-neuf à douze ans.
- C’est son intelligence et la fortune de sa femme qui l’ont propulsé dans les milieux politiques et l’ont fait élire, poursuivit Bobby. Le couple s’entendait apparemment bien selon les domestiques. Il y a cependant une chose bizarre, c’est que toute la domesticité a été renouvelée il y a un mois et qu’il y a une majorité d’hommes. La seule femme est la cuisinière.
- C’est peut-être à creuser, dit Jack.
- Vous continuerez dans cette voie. Jack et Sue, qu’avez-vous appris dans les bureaux du sénateur ?
- Pas de ragots particuliers, des avis qui concordent avec ce que vous avez recueilli, annonça Jack. Tout son personnel avait l’air de bien l’aimer.
- Mais son personnel est essentiellement masculin, ajouta Sue, à l’exception de Dolorès, sa secrétaire particulière qui doit prendre sa retraite dans deux mois.
- Il faudrait peut-être qu’on arrive à savoir pourquoi il n’était entouré que d’hommes, suggéra Tara.
- Il était peut-être homo ? avança Lucy.
- Je suis sceptique, reprit Jack. Pour moi, l’histoire n’est pas plus claire qu’hier. Notre seul élément, bien mince, est le nombre réduit de femmes dans l’entourage du sénateur. Pourquoi ?
- Il va falloir essayer d’y répondre très vite car le ministre me bassine pour une solution rapide et si possible qui ne ternisse pas l’image de Smith. A vous de jouer !
Au septième étage, le téléphone se manifesta et Alexandra décrocha. Un sourire illuminait son visage lorsqu’elle reposa le combiné. Elle sortit et dit à sa secrétaire :
- Je serai de retour dans un instant, si on me demande, faites patienter, merci.
Elle courut plus qu’elle ne marcha jusqu’à l’ascenseur qui la mena chez le directeur Crawford. Les secrétaires, qu’elle salua, la virent passer le sourire aux lèvres et ne comprenaient plus rien, les ragots allaient se poursuivre.
- Entre, lui dit Sam Crawford, installe-toi à mon bureau, tu auras une communication par e-mail avec Leland dans quelques minutes. N’oublie pas, rien sur la mission ; juste des choses personnelles et je suppose que vous en aurez à dire. A propos, transmets lui mes amitiés.
Elle lui adressa un sourire entendu et il alla s’installer dans un fauteuil où il entreprit une petite sieste. L’annonce d’un message s’afficha sur l’écran, Alexandra cliqua et se trouva en ligne avec Myles. Il allait bien, même s’il souffrait de la chaleur et de maux d’estomac. Elle lui raconta ce qu’elle avait fait, que Randy avait décidé de porter plainte contre lui mais qu’elle avait réussi à l’en dissuader en lui promettant de participer à la fête du club féminin de sa mère en confectionnant des gâteaux au chocolat. Un M.D.R. ponctua la réponse de Myles qui avait fait beaucoup de progrès car Tara disait qu’il avait deux mains gauches en informatique. La liaison fut coupée à l’instant où il terminait d’écrire le mot baisers. Elle poussa un soupir de regret en refermant l’ordinateur, elle était triste de le quitter si vite, certes, mais elle avait eu de ses nouvelles et cela lui avait remonté le moral.
- Merci, Sam, dit-elle en s’asseyant dans l’autre fauteuil.
- De rien, je peux bien faire ça pour toi, répondit-il. Comment va-t-il ?
- Il va bien, merci et vous salue. Combien de temps cette mission va-t-elle durer ?
- Je l’ignore, ça ne dépend pas de moi, tu le sais bien !
- C’est vrai, c’est une question idiote. Au revoir.
Elle l’embrassa sur la joue et sortit sous l’oeil observateur des secrétaires qui scrutaient le moindre signe. Elle se rendit ensuite au troisième pour aller voir ses amis.
Seuls Dem et Lucy étaient dans le bureau. Elle regarda le bureau vide de Myles.
- Bonjour, ma belle ! dit Lucy en l’étreignant. Alors ? Comment vas-tu ? Quand je vois ces yeux-là, je me dis que le vilain Myles les a fait pleurer.
- Bonjour, Lucy. Non, bien au contraire, je viens de lui parler, il va bien, je ne m’inquiète pas.
- Et tu ne peux pas nous en dire plus ? intervint Demetrius.
- Je n’en sais pas davantage, je ne sais même pas où il est, mais peu importe, il va bien ! Je voulais juste vous le dire.
- Merci, dit Dem. Tu viens déjeuner avec nous chez l’Italien ?
- Avec plaisir. Appelez-moi quand vous partirez.
Elle retourna travailler. Au même moment, quelque part sur une route poussiéreuse et chaotique, un sniper tira sur un convoi militaire américain et une formidable explosion retentit dans cet endroit désertique, accompagnée de fumée et de flammes que l’on pouvait voir de très, très loin. C’est cette vision d’apocalypse qui s’offrit aux yeux de Myles avant qu’il ne sombre dans l’inconscience.
Chapitre IV
Alexandra était allée à la piscine en sortant de cette chaude journée de travail. Elle avait fait quelques longueurs à son club de natation et venait de rentrer chez elle. Félicia, sa gouvernante l’attendait avec impatience.
- Monsieur Crawford a téléphoné il y a une heure environ, il voulait vous parler personnellement.
Elle consulta sa montre : il devait être dix-neuf heures, c’est-à-dire environ trois heures du matin en Irak. Non, Myles n’avait pas pu chercher à la joindre à une heure aussi avancée de la nuit.
- A-t-il dit où je pouvais le rappeler ? demanda-t-elle inquiète.
- Oui, tenez, j’ai noté son numéro. Quelque chose ne va pas ? demanda-t-elle inquiète devant l’attitude de la jeune femme.
Elle allait composer le numéro de Sam lorsque la sonnerie du portier retentit.
- Mademoiselle, c’est Stanton qui demande s’il peut faire monter Monsieur Crawford.
Elle acquiesça et alla l’attendre devant la porte de l’ascenseur. Sam Crawford arriva, la mine contrariée.
- C’est Myles ? interrogea-t-elle, certaine de la réponse qu’il allait lui donner.
- Oui et non, dit-il.
- Comment oui et non ?
- Le convoi a été attaqué par un sniper dans une partie désertique entre Rut Bah et Ramadi. Il y a eu trois morts et onze blessés. Myles n’est pas parmi eux. Personne ne sait ce qu’il est devenu. Un autre de ses compagnons, Donald Jameson est également porté disparu.
- Porté disparu ! s’exclama la jeune femme en se laissant tomber sur le premier siège. Félicia la serra dans ses bras.
- Est-ce que sa famille est avertie ? demanda-t-elle.
- Un représentant du bureau de Boston est en ce moment même avec ses parents.
- Et sa sœur ? Est-ce quelqu’un a averti Anne ?
- Non, je ne pense pas.
- Alors nous y allons ensemble, venez.
En chemin, Sam appela Dem et lui demanda de mettre discrètement l’équipe au courant.
Ils arrivèrent à la maison de la banlieue chic où vivait Anne. Alexandra ne la connaissait pas bien et elles n’avaient jamais été officiellement présentées. D’ailleurs Anne savait-elle seulement que son frère était fiancé. Ils sonnèrent et elle vint leur ouvrir la porte presque aussitôt, vêtue d’une tenue de tennis.
- Mademoiselle Warren ! s’étonna-t-elle. Qu’est-ce qui me vaut le plaisir de cette visite si tardive ?
- Pouvons-nous entrer ? demanda Alexandra en faisant un pas en avant.
Anne s’effaça pour les laisser passer et les fit asseoir au salon. A l’expression du visage de son interlocutrice, elle comprit qu’il se passait quelque chose.
- Je vous présente Sam Crawford, le directeur du FBI, fit Alexandra qui tentait de maîtriser ses émotions.
- Il est arrivé quelque chose à mon frère, murmura-t-elle.
Sam Crawford lui expliqua la situation. Alexandra s’assit près d’elle, les yeux remplis de larmes.
- Où est-il ? demanda Anne.
- Personne ne le sait, mademoiselle Leland. Votre frère, dans l’état actuel des choses, est porté disparu en Irak.
Anne s’effondra dans les bras de sa future belle-sœur qui pleurait aussi. Sam était très embarrassé.
- Croyez bien, mademoiselle Leland, que nous ferons notre possible pour le retrouver … vivant.
Il n’y croyait pas lui-même. Alexandra le sentait. Il se leva et fit lui signe qu’il partait.
- Mais que faites-vous ici ? demanda Anne.
- Vous ne le savez peut-être pas encore mais Myles et moi sommes fiancés et nous voulons nous marier, annonça Alexandra. Je voulais qu’on vous prévienne aussi. En ce moment, le directeur de l’antenne de Boston est chez vos parents.
- Je vois, … non je ne vois rien ! fit elle en éclatant en sanglots. Pourquoi lui ? Nous venions juste de commencer à faire connaissance, nous ne savons rien l’un de l’autre. Je suis persuadée que vous le connaissez mieux que moi.
- Qui peut se vanter de connaître Myles ? dit Alexandra pour dire quelque chose. Qu’allez-vous faire maintenant ?
- Et vous ?
- Je travaille au FBI, je serai avertie dès qu’il y aura du nouveau.
Elle se leva et se planta devant son interlocutrice :
- Anne, nous ne nous connaissons pas, mais il y a dans notre vie quelqu’un que nous aimons, chacune à notre façon. Il serait stupide de vivre ses moments difficiles chacune dans son coin. C’est pourquoi je vous propose de venir vous installer chez moi, le temps qu’il revienne. Nous pourrons ainsi faire connaissance et peut-être devenir … amies.
Anne la regarda, étonnée. Elle n’était pas habituée à autant de spontanéité autour d’elle.
- Je voudrais appeler mes parents, dit-elle.
Elle passa dans son bureau et ressortit quelques instants plus tard, les yeux noyés de larmes.
- Mon frère Andrew vient de me dire que le directeur du FBI sortait de chez mes parents. Je lui ai dit que j’allais m’installer chez vous pour quelques jours. Mes parents sont effondrés. Ils ont déjà pris contact avec nombre de leurs relations. J’ai bien peur que malgré tous les gens influents qu’ils connaissent…
Alexandra comprenait parfaitement ce qu’elle voulait dire. La sœur de Myles disparut dans le couloir et revint peu après en vêtements de ville et avec un sac.
- Il va falloir prendre votre voiture car je suis venue avec Sam.
Anne enclencha l’alarme et elles partirent toutes les deux, silencieuses et tristes. Il était près de deux heures du matin et les rues étaient presque désertes. Quelque part au milieu de nulle part, deux hommes blessés et choqués étaient retenus prisonniers par des partisans de Saddam Hussein dans un abri de tôles surchauffées.
Chapitre V
Dem convoqua toute l’équipe dans son bureau, le plus discrètement possible. Il ferma la porte derrière eux et commença :
- J’ai reçu un appel du directeur Crawford, hier dans la soirée.
- Myles ? demanda Sue.
- Oui, il est porté disparu avec Donald Jameson. Leur convoi a été attaqué par un sniper et tout a explosé. Il y a des morts et des blessés et comme on ne les a retrouvés ni d’un côté ni de l’autre, on les a portés disparus. C’est tout ce que je peux vous dire et je vous demande la plus grande discrétion.
- Que pouvons-nous faire ? demanda Bobby.
- Soutenir Alexandra et surtout… prier, conclut Dem.
- Est-ce que quelqu’un l’a vue, depuis hier ? demanda Tara.
- Non, attendez, je vais appeler sa secrétaire, dit Lucy en joignant le geste à la parole.
Elle raccrocha quelques secondes plus tard. La jeune femme n’était pas encore arrivée.
- Je vais essayer chez elle, annonça Lucy, têtue.
La sonnerie du téléphone retentit plusieurs fois avant que quelqu’un décroche ;
- Mademoiselle Leland ? Ici Lucy Dotson, j’aimerais parler à Alexandra, si c’est possible, bien sûr. … Elle est en route pour son bureau ? … Merci beaucoup.
- Anne chez Alexandra ! s’exclama Jack en secouant la tête. Je vais appeler le garde dans le parking et lui demander de nous envoyer Alexandra ici.
Moins de dix minutes plus tard, elle était dans le bureau du superviseur. Elle les regarda sans les regarder. Ses pensées n’étaient pas ici, à Washington ;
- Nous sommes désolés, fit Sue en la prenant dans ses bras. Nous ne pouvons malheureusement rien faire pour lui, tu le sais bien.
- Oui, je sais, répondit Alexandra en se libérant de son étreinte, vous, vous ne pouvez pas, mais moi, je peux.
Elle sortit son portable et composa un numéro :
- Laura ? Comme je suis heureuse de vous entendre ! .... Oui … non …. Pardonnez-moi, ça ne va pas du tout …. Avec plaisir … oui, je serai dans une heure à votre bureau … non, ne dérangez pas votre mari… A bientôt … merci.
Elle rangea son portable, son visage était plus serein.
- Il faut frapper aux bonnes portes. Je vous tiens au courant, dit-elle en sortant.
Elle avait coupé court aux craintes de ses amis.
- Quelle femme ! s’exclama Bobby qui se prit un coup de coude dans les côtes.
- Laura ? Et si le mari s’appelle George ? Vous n’allez pas me dire qu’elle a le numéro perso de … ? interrogea Lucy.
- J’en ai bien peur, affirma Jack. Bon, si on retournait à notre affaire avec le sénateur Smith, c’est moins passionnant, mais il faut la résoudre.
Ils acquiescèrent et retournèrent à regret à leur routine quotidienne.
Au dernier étage, Alexandra était en grande conversation avec Sam Crawford. Elle venait de rentrer de son rendez-vous avec Laura :
- Je serai absente pendant quelque temps. Un vol spécial part pour Aman dans cinq jours, j’y ai une place réservée.
- Comment ? Sur un vol militaire ? s’étonna Sam.
- Oui, ON m’a fait cette proposition et je l’ai acceptée, renchérit Alexandra. Je serai à proximité au cas où il y aurait du nouveau. Je ne peux plus rester ici à attendre à ne rien faire.
- Et mademoiselle Leland ?
- Ses parents ont souhaité l’avoir près d’eux, elle s’est envolée pour Boston il y a vingt minutes.
- Tu es sûre de ce que tu fais ?
- Absolument, Sam. Je croyais que vous me connaissiez mieux que ça.
- Justement, je te connais trop bien. Viens là.
Il la serra dans ses bras et lui dit :
- Sois prudente. Je veux vous revoir tous les deux, tu entends, et je veux assister à votre mariage. Promets le moi !
- Promis.
Myles et Donald étaient allongés sur le sol caillouteux de l’abri qui faisait plus office d’étuve que de parasol. La chaleur accablante de la journée diminuait un peu au cours de la nuit mais l’air ne circulait pas dans la cahute. Les deux hommes avaient soif et l’eau leur était donnée au compte-goutte. Leurs blessures les faisaient souffrir : Donald avait sans doute un bras et des côtes cassés, il respirait difficilement et la position qu’il était contraint d’adopter le gênait considérablement. En outre, un énorme hématome recouvrait son bras cassé et il craignait la gangrène. Myles semblait être entier mais ses nombreuses plaies, qui auraient été sans gravité en situation normale, s’étaient infectées. Il avait de la fièvre et alternait des périodes où il avait très chaud et des périodes où il avait très froid. De plus, ses maux d’estomac n’avaient fait qu’empirer. Ils parlaient peu pour économiser leurs forces car ils se doutaient bien qu’ils devraient rester prisonniers un moment encore. En outre, ils s’attendaient à être interrogés et tout le monde savait comment ces monstres menaient un interrogatoire.
A Boston, il faisait également très chaud et Anne était venue chercher Alexandra à l’aéroport. Elles tombèrent dans les bras l’une de l’autre. :
- Merci d’être venue, dit Anne. Papa et Maman ont besoin de savoir. Venez, ils vous attendent avec impatience.
Alexandra suivit Anne jusqu’au parking et elles prirent la direction de la résidence des Leland, une prestigieuse demeure victorienne dans un quartier tranquille de la ville. Elisabeth et Philip Leland les attendaient sur le perron. La jeune femme appréhendait un peu de faire leur connaissance, surtout dans ces circonstances. Myles parlait peu de sa famille et tout ce qu’elle en savait elle le tenait de sa mère.
- Soyez la bienvenue, mademoiselle Warren ; je suis Philip Leland et voici ma femme, Elisabeth, vous connaissez déjà notre fille, Anne. Entrez, nous bavarderons plus tranquillement à l’intérieur.
Philip Leland était un bel homme aux cheveux poivre et sel. Il avait dû être très brun dans sa jeunesse. Il avait une haute stature et des yeux bleus délavé. Il venait sûrement de rentrer de son bureau car il portait un costume trois pièces tout droit sorti d’un tailleur à la mode. Myles lui ressemblait beaucoup de e côté-là.
Elisabeth Leland était une femme de taille moyenne, blonde, à la silhouette menue avec des yeux noirs perçants. Elle portait un tailleur blanc et son visage semblait figé dans un sourire de circonstance.
Monsieur Leland s’effaça pour laisser passer les dames que son épouse fit entrer au salon où le thé était servi. Elle invita tout le monde à s’asseoir et se livra à la tradition du five o’clock tea. Elle semblait lointaine et inébranlable. « Les apparences d’abord ! » songea Alexandra en acceptant une tasse de thé.
- Que pouvez-vous nous dire que nous ne sachions déjà ? demanda monsieur Leland, anxieux.
- Rien, monsieur et j’en suis bien désolée, croyez-moi. J’ai simplement tiré quelques sonnettes et je sais que les choses devraient se décanter très rapidement. On va multiplier les moyens sur le terrain pour le retrouver, lui et son compagnon.
- Ce qui signifie ? demanda Elisabeth.
- Rien de plus que ce que je vous ai dit, madame, répondit respectueusement Alexandra. Il ne faut pas perdre espoir et il faut prier très fort. Dieu vous entendra.
La porte s’ouvrit sur un grand jeune homme brun qui ressemblait trait pour trait à monsieur Leland mais il avait le regard noir de sa mère ; Anne fit les présentations :
- Alexandra, voici notre frère Andrew.
Andrew lui serra la main énergiquement et lui fit un sourire charmeur :
- Comment allez-vous ? Vous devez être Alexandra Warren, la fiancée de Myles ? Je suis ravi de vous rencontrer bien que les circonstances ne soient pas propices aux mondanités. Avez-vous des nouvelles de mon frère ?
- Rien, hélas ! soupira la jeune femme.
La conversation se poursuivit à bâtons rompus et petit à petit l’atmosphère se détendit. Madame Leland sembla s’intéresser à ce que disait sa future belle-fille et elle se dérida peu à peu. Alexandra refusa poliment l’invitation à dîner et se rendit chez ses parents qu’elle n’avait pas vus depuis quelque temps. Le week-end bostonien que Myles et elle avait prévu pour établir les grandes lignes de la cérémonie de mariage, était tombé à l’eau. James et Katherine Warren promirent de prendre contact avec les Leland et de les soutenir dans leur détresse. Eux, en revanche s’inquiétait aussi pour leur fille qui allait se fourrer dans Dieu sait quel guêpier. Mais il la connaissait, elle avait décidé et rien ne la ferait changer d’avis.
Elle passa la nuit au manoir familial. Il y avait longtemps qu’elle n’avait pas dormi dans sa chambre de jeune fille. Elle se pelotonna dans son lit et serra contre elle son gros nounours en peluche blanche qu’on lui avait offert pour ses vingt ans. Elle mit du temps à trouver le sommeil. Elle se demandait où était Myles, s’il était encore en vie, ce qu’il faisait, s’il n’était pas blessé… toutes ces questions qui restaient sans réponses. Pour se remonter un peu le moral, elle promit à son nounours que bientôt Myles viendrait dormir avec elle dans ce lit. Elle s’imagina qu’elle le dévorait de ses baisers, s’enivrait de son parfum de lavande anglaise. Elle se voyait passer la main dans ses cheveux blonds aux reflets changeants, poser ses lèvres sur ses lèvres sucrées et les déguster comme une gourmandise, suivre du doigt les contours de son visage et craquer pour le petit grain de beauté qu’il avait à la base du cou, à gauche et qui l’excitait toujours aussi furieusement Elle se réveilla à l’aube, la gorge serrée et nauséeuse. Elle avala juste une tasse de café et son père la conduisit à l’aéroport où elle prit le premier avion pour Washington.
Quelque part au milieu de nulle part, un groupe de terroristes étaient venus chercher les deux agents spéciaux en piteux état pour se livrer sur eux à un interrogatoire musclé dont ils avaient le secret. Les deux Américains étaient à bout de force, blessés, déshydratés et malades et ils ne résisteraient pas longtemps à leurs méthodes expéditives. Myles serrait entre ses doigts la petite croix en or que Alexandra lui avait mise autour du cou avant son départ. Il avait voulu que Dieu soit témoin de leurs fiançailles, il serait aussi le témoin de leurs retrouvailles. Il ne voulait pas perdre espoir. Il voulait à nouveau la tenir dans ses bras, sentir son parfum de jasmin, se perdre dans ses yeux couleur de pierres précieuses, caresser sa peau douce et soyeuse, se noyer dans ses boucles auburn. Il se souvenait de la douceur de ses lèvres sur sa poitrine, de son sourire espiègle … De violents coups de pied dans les côtes le tirèrent douloureusement de sa rêverie :
- Debout, vite !
Et deux hommes l’empoignèrent pour qu’il se lève plus rapidement. Il fut pris de vertiges et chancela. Un des hommes leva la crosse de son fusil pour le frapper. Il crut sa dernière heure venue quand soudain une énorme explosion se fit entendre, suivie de cris qu’il ne comprenait puis d’autres qu’il comprenait. Des coups de feu claquèrent à proximité, un des geôliers voulut tirer sur ses deux prisonniers, la balle dévia et toucha la tête de Myles qui s’évanouit. L’homme s’effondra, abattu par un militaire américain qui appartenait au commando venu délivrer les deux prisonniers. Donald Jameson remercia le ciel de toute son âme. Un officier appela les secours qui installèrent les prisonniers sur des civières et les mirent sous perfusion pour les réhydrater. Pendant que l’un des médecins immobilisait le bras de Jameson et lui soutenait le thorax d’un bandage serré, l’autre s’occupait de Myles, toujours inconscient. Une trace rouge barrait sa tempe et le sang coulait doucement dans son oreille.
- Les plaies sont infectées, remarqua un des médecins, il est brûlant de fièvre. Passez-lui vite un antibiotique dans sa perfusion
L’infirmier s’exécuta et on chargea les deux hommes dans une ambulance pour les conduire sous bonne escorte jusqu’à Bagdad dont ils n’étaient plus très loin.
Chapitre VI
L’avion survolait l’espace aérien égyptien lorsque le copilote traversa la carlingue du gros porteur pour tendre un message à Alexandra, en tenue militaire, au milieu des hommes et femmes de troupe. Trois mots étaient écrits mais trois mots qui valaient tout l’or du monde : « Leland retrouvé vivant. ». Intérieurement, elle poussa un soupir de soulagement. Elle avait très envie de crier sa joie mais ce n’était ni le lieu ni l’heure. L’avion amorçait sa descente sur l’aéroport militaire d’Aman, elle devrait attendre jusque là. C’était si proche et si lointain à la fois. Elle espérait seulement que la famille et les amis avaient été prévenus pour mettre fin à leur incertitude.
Au sol, un officier l’attendait dans une voiture de fonction et la conduisit à l’ambassade américaine où elle fut reçue par John Atkinson, l’ambassadeur en personne. Son coup de fil avait porté ses fruits et lui ouvrait toutes les portes.
- Monsieur l’ambassadeur, je suis Alexandra Warren, se présenta-t-elle.
- Je sais qui vous êtes, affirma-t-il en souriant, soyez la bienvenue. Le FBI m a transmis votre dossier et celui de Leland et « ON » m’a demandé de vous aider autant que faire se peut. Vous arrivez juste au bon moment, mais auparavant, je vous propose de prendre possession de votre appartement et je vous attends dans mon bureau quand vous serez prête. Prenez votre temps.
- Merci, monsieur l’ambassadeur. Je ferai vite afin de ne pas vous faire perdre le vôtre.
Un garde la conduisit jusqu’à un ascenseur qui la déposa au troisième étage et lui ouvrit la porte au fond du couloir à gauche. Devant elle, s’étendait un petit salon décoré à la mode du pays, suivi d’une immense chambre du même style. Il referma la porte derrière lui alors qu’elle se dirigeait vers la salle de bains. Elle se plongea dans un bain délicieusement parfumé au jasmin et rejoignit John Atkinson une demi heure après, fraîche et dispose, vêtue d’une simple robe de toile blanche. Il l’accueillit avec un verre de thé:
- Vous savez que Leland a été retrouvé, n’est-ce pas ?
- Oui, on m’a transmis le message juste avant d’atterrir, mais comment est-il ?
- Une chose est sûre, il est vivant, tout comme Jameson. Ils sont dans un hôpital de campagne près de Bagdad. Jameson va être transféré sur un bateau hôpital car il doit subir une intervention chirurgicale à cause de ses fractures. Leland sera amené à Aman dès qu’il sera transportable.
- Comment, dès qu’il sera transportable ? s’inquiéta Alexandra.
- Il souffre de multiples blessures qui se sont infectées et qui ont provoqué une importante fièvre accompagnée d’une déshydratation sévère sans parler des pathologies diverses dues au manque d’hygiène.
Devant son silence inquiet, il reprit :
- J’ai eu le médecin-chef de l’hôpital qui m’a assuré qu’il était suffisamment solide pour s’en sortir. Si vous le voulez, nous essaierons de l’appeler demain.
Elle avait la gorge nouée, elle ne pouvait dire quoi que ce soit. Elle réussit cependant à articuler un merci.
- Ma femme sera là dans quelques instants, elle s’occupera de vous.
Elle lui sourit et finit par dire :
- Je vous remercie pour tout le mal que vous vous donnez pour moi. Je souhaiterais regagner ma chambre et passer quelques coups de fil à nos familles et à nos amis, si vous le permettez, bien sûr.
- Je vous en prie, c’est toujours agréable d’aider à propager de bonnes nouvelles.
Une fois seule, elle appela les Leland. Philip la remercia chaleureusement de son coup de fil. Il ne serait complètement rassuré que lorsqu’il aurait entendu la voix de son fils. Elle entendit Elisabeth éclater en sanglots et Anne lui demander de se calmer. Elle avait quand même un semblant d’humanité au fond d’elle-même. Les Warren furent très heureux du bon dénouement de l’affaire mais s’inquiétaient pour la santé de Myles. Quand elle eut Dem au bout du fil, elle lui demanda de transmettre le message et lui dit qu’elle les tiendrait au courant de tout.
On frappa à la porte. Alexandra se trouva face à une femme en tenue de soirée qui se présenta :
- Je suis Phyllis Atkinson, soyez la bienvenue, mademoiselle Warren
- Je vous en prie, entrez, dit Alexandra en ouvrant grand la porte.
Elles bavardèrent quelques instants et l’épouse de l’ambassadeur laissa la jeune femme se reposer. Le voyage avait été long et la journée du lendemain s’annonçait riche en émotions. Elle ôta ses vêtements et se glissa dans les draps frais, la tête calée entre deux oreillers et, la photo de Myles sur son cœur. Elle s’endormit d’un sommeil lourd et sans rêves. Demain serait un autre jour.
De l’autre côté de l’océan, dans les bureaux du FBI, la joie régnait. Lorsque Dem leur apprit que Myles avait été retrouvé, ils poussèrent un ouf de soulagement et leur énergie au travail se trouva soudain décuplée. L’enquête avait progressé et un événement inattendu était venu la conclure. La femme du sénateur était venue se rendre au FBI en s’accusant d’avoir elle-même commandité l’assassinat de son mari. Elle donna même le nom de l’exécutant que Jack et Bobby allèrent cueillir à l’aéroport alors que celui s’apprêtait à s’envoler pour les Bahamas. Elle expliqua qu’après quelques semaines de mariage seulement, il était déjà infidèle. Il n’avait jamais su résister à un jupon qui passait. Elle avait compris qu’il l’avait épousée pour sa fortune et elle était restée avec lui pour sauver les apparences. Mais maintenant, elle ne supportait plus ses incartades d’où le personnel féminin limité dans son entourage.
- Voilà une affaire qui se résout toute seule, annonça Dem. Je vais prendre contact avec le ministre et lui exposer la situation, je crois qu’il va être très embarrassé.
- Ce type était un obsédé, dit Lucy d’un air dégoûté. Pouah ! C’est une jolie femme et elle ne lui suffisait pas. Des gens comme lui mériteraient qu’on leur …
- Rien du tout, intervint Jack avant que son amie aille trop loin dans ses propos. Il a été tué, c’est fini pour lui. Allez, on rédige les rapports et après on va boire un verre à la santé de Myles, d’accord.
Cette proposition provoqua l’unanimité plus un aboiement. Une partie de fléchettes opposa hommes et femmes qui gagnèrent grâce à Tara. Bobby la chahuta, Sue taquina Jack qui avait été particulièrement maladroit et Dem et Lucy riaient de voir leurs amis si détendus. Ils burent quelques bières avec plaisir en levant leurs chopes à la santé de Myles et d’Alexandra C’était la première fois depuis neuf jours qu’ils réussissaient à penser à autre chose qu’à la disparition de Myles. Neuf jours d’angoisse et d’incertitude. Cette expérience malheureuse avait démontré à tous ce que pouvait endurer les familles et les proches des otages dont on leur parlait presque chaque jour dans les médias.
La soirée était bien avancée et ils prirent congé. Tara et Bobby rentrèrent chez eux en bavardant joyeusement, Jack et Sue partirent ensemble promener Lévi et Lucy et Dem regagnèrent leurs foyers respectifs. Ils avaient hâte de retrouver Myles, avec ses costumes trois pièces impeccablement coupés, ses légendaires bretelles. Ils avaient hâte de pouvoir à nouveau le taquiner gentiment, d’entendre ses grandes envolées lyriques à propos de tout et de rien et de voir le bonheur inscrit sur son visage lorsqu’il arrivait le matin après avoir passé la nuit avec Alexandra. Il serait bientôt de retour et tout rentrerait dans l’ordre. La vie au bureau serait comme avant. En septembre, il y aurait le gala de charité auquel Alexandra tenait tant et en décembre, ce serait le grand jour, ce mariage qu’ils attendaient avec impatience. Myles, leur compagnon de dix ans, enfin marié et à leur grande surprise, à la plus jolie fille du FBI après leurs compagnes respectives, cela va de soi. La grande question que tous les garçons continuaient à se poser était : « Mais qu’est-ce qu’elle lui trouve ? » .Les filles le savaient, Alexandra leur avait dévoilé son secret.
Chapitre VII
Le soleil se levait tôt au Moyen-Orient ; il s’infiltra à travers les moucharabiehs et vint caresser doucement le visage d’Alexandra. Elle tourna le visage de l’autre côté et replongea dans son sommeil. Elle se promenait avec Myles au bord d’un lac de montagne aux eaux d’une grande pureté. Ils se tenaient tendrement enlacés, elle avait posé la tête sur son épaule et ils restaient silencieux dans le calme de cette étendue sauvage. Elle se sentait merveilleusement bien. Elle leva son visage vers lui, il lui souriait et se pencha pour l’embrasser…. La sonnerie du téléphone retentit. Elle était perdue, elle ne savait plus où elle était. Bien vite cependant elle reprit pied dans la réalité et décrocha.
- Bonjour, monsieur l’ambassadeur, … très bien, … j’arrive tout de suite.
Elle sauta du lit, prit une douche rapide et se précipita dans le bureau de John Atkinson.
- Désolé de vous avoir réveillée mais on va établir une liaison spéciale avec monsieur Leland d’une minute à l’autre. Ce sera juste un contact audio mais ce sera mieux que rien. Vous utiliserez cet appareil, je vous laisse. Je vous attends dans la salle à manger pour le petit déjeuner.
Il quitta son bureau et quelques instants plus tard le téléphone émit un bip. Elle décrocha, tremblante d’émotion et d’impatience. La communication n’était pas bonne mais elle reconnut la voix de Myles :
- Alexandra, disait-il, tu m’entends ?
- Oui, je t’entends, mon cœur, comment vas-tu ?
- Un peu mieux, et toi ?
- Maintenant que je t’entends, tout va bien …
- Ecoute-moi bien. On parle de me transférer à Aman dans les prochaines heures. Est-ce que tu seras là ?
- Quelle question ! Je n’ai pas fait tout ce chemin pour rien. Bien sûr que je serai là !
- Je t’embrasse très fort, tu me manques.
- Toi aussi tu me manques. Je t’aime !
Alexandra suivit le garde qui l’attendait devant le bureau et la mena jusqu’à la salle à manger où les Atkinson prenaient leur petit déjeuner. La journée s’annonçait belle à tous points de vue. Madame Atkinson lui proposa de lui faire visiter la ville dans la matinée afin d’éviter les chaleurs de l’après-midi, ce qu’elle accepta avec joie.
Elles visitèrent en premier la citadelle de Qala’a qui domine la basse ville, puis le théâtre romain et l’odéon et terminèrent la matinée qui était déjà écrasée de soleil par le musée archéologique où elles eurent le privilège d’admirer des morceaux des manuscrits de la mer Morte soigneusement conservés à l’abri de l’humidité et de l’air. Comme madame Atkinson avait des obligations dans l’après-midi, elle déjeunèrent dans un restaurant typique et rentrèrent tout de suite après. Monsieur Atkinson fit prévenir Alexandra qu’il souhaitait la voir dans son bureau.
- Comment avez-vous trouvé Aman ? demanda-t-il.
- Le peu que j’en ai vu m’a beaucoup plu, j’aimerais vraiment mieux la connaître, répondit Alexandra.
- Vous serez toujours la bienvenue à l’ambassade, dit John Atkinson. Mais si je vous ai fait venir ce n’est pas pour que vous me racontiez votre visite de la ville. Voilà, on m’a informé peu après votre départ que monsieur Leland avait quitté Bagdad et qu’il était arrivé à l’hôpital militaire américain, ici, à Aman. Une voiture va vous y conduire.
Quelle merveilleuse nouvelle ! Franchir les huit cent petits kilomètres qui séparait Bagdad d’Aman à vol d’oiseau était un jeu d’enfant pour un pilote aguerri. Alexandra était tellement heureuse qu’elle ne savait plus quoi dire. Elle se précipita dans le hall et s’engouffra dans la voiture mise à sa disposition. Le trajet lui sembla interminable, il ne durait pourtant qu’un quart d’heure. Elle se présenta à l’accueil et on envoya chercher le médecin qui s’occupait de Myles.
- Capitaine Lewis Stone, se présenta-t-il.
C’était un homme d’un certain âge, de taille moyenne et replet qui lui donna une poignée de main énergique :
- Monsieur Leland se repose. Nous avons réussi à faire tomber la fièvre et enrayer l’infection. Il va aussi bien que possible. Quand vous le verrez, ne soyez pas surprise, il porte de multiples petites plaies un peu partout dues à des projections au cours de l’explosion. Elles ne devraient pas laisser de traces. Et comme il était très mal protégé du soleil, son visage pèle et ses lèvres sont desséchées. Il ne peut pas encore s’alimenter normalement, mais c’est en bonne voie. Vous pourrez le ramener à Washington d’ici quelques jours.
Elle ne savait quoi dire, elle n’avait qu’une hâte, c’était de le voir. Elle remercia le capitaine Stone qui la mena jusqu’à la porte de la chambre.
- Allez y, il est impatient de vous voir.
Elle poussa doucement la porte et aperçut une forme longiligne endormie. Les stores étaient baissés et dans la semi obscurité, Myles semblait encore plus blanc que les draps. Elle s’avança sans bruit, mais il ouvrit les yeux.
- Ca y est, je suis au paradis ! dit-il doucement.
- Ne pense même pas y mettre la pointe d’un cil, murmura-t-elle, émue.
- Tu en as mis du temps pour venir.
- Désolée, mon cœur, je faisais du tourisme, répondit-elle du tac au tac.
Elle aurait voulu l’embrasser mais elle ne savait pas comment le prendre. Et ses yeux,… ses yeux étaient enfoncés dans les orbites et montraient les traces de la déshydratation. Ses lèvres étaient gercées, son visage portait des coupures. Elle effleura la commissure de sa bouche.
- Tu ne peux pas faire mieux que ça ? demanda-t-il malicieusement.
- Je ne sais pas où je peux t’embrasser sans te faire mal, s’excusa-t-elle.
- Essaie encore.
Elle se pencha sur lui et lui donna de petits baisers là où la peau était saine. Il porta sa main à ses lèvres rêches.
- Je suis désolé, mon cœur, j’aimerai tellement te serrer dans mes bras.
- Moi aussi, mais je ne sais pas si tu t’es vu dans un miroir…
- C’est à ce point ?
- Pire que ça.
- Non !
Ils rirent ensemble, mon Dieu que c’était bon de plaisanter à nouveau ! Une infirmière entra et annonça d’un ton revêche que la visite était terminée et que monsieur Leland avait besoin de repos. Alexandra obtempéra non avoir essayé une nouvelle fois d‘embrasser Myles.
- Je reviendrai demain, promit-elle. Ce soir, j’appellerai tes parents ainsi que Dem. C’est lui qui assure le relais entre nous et toute l’équipe. Ils ont hâte que tu reviennes. A demain, mon coeur.
Il lui fit signe de se pencher et il lui chuchota quelque chose à l’oreille. Elle se redressa en rougissant :
- Myles !!!
- Bon, ça suffit maintenant, mademoiselle, grogna l’infirmière. Vous devez partir ou je vous fais jeter dehors.
- Un Randy au féminin ! remarqua Myles.
Alexandra quitta la chambre, rassurée. Le reste n’était plus qu’une affaire de patience. Le chauffeur de l’ambassade la ramena et elle envoya un e-mail au bureau pour les rassurer et téléphona à monsieur et madame Leland. Ce fut Elisabeth qui prit la communication.
- Je vous suis reconnaissante de ce que vous faites pour notre fils, dit-elle. Nous avons pu lui parler et cela nous a rassurés un peu de l’entendre. Si en plus vous dites qu’il plaisante et qu’il veut rentrer au plus vite, alors tout va bien. J’espère que lorsque vous serez de retour, vous accepterez de passer un peu de temps avec moi afin que nous fassions plus ample connaissance.
La conversation se poursuivit quelques minutes et lorsque Alexandra reposa le combiné, elle eut la sensation d’avoir remporté un combat difficile. Finalement, Elisabeth n’était pas si terrible que ça !
Chapitre VIII
- Bonjour, monsieur Leland, dit le jovial capitaine Stone en entrant dans la chambre de Myles. Comment vous sentez- vous, ce matin ?
- Bonjour capitaine, répondit le malade en se redressant, je me sens mieux de jour en jour.
- C’est bien ce que disent vos derniers tests, tout semble rentré dans l’ordre. Mais vous devrez vous reposer quelque temps avant de reprendre votre activité. Un avion sanitaire part dans deux jours pour Washington, une place vous a été réservée.
- Merci beaucoup. Est-ce que mademoiselle Warren est au courant ?
- Je ne saurai vous l’affirmer. Voyons un peu ces plaies, dit Stone en examinant le visage de Myles. Pas de soleil et écran total pour éviter des marques.
Le sillon tracé par la balle au niveau de la tempe avait presque disparu. Le médecin s’attarda sur une plaie un peu plus profonde à la poitrine et parut satisfait de l’évolution ; l’hématome provoqué par les coups de pied du gardien avait viré au jaune et s’estompait.
- Bien, vous serez présentable. Votre mère vous reconnaîtra, crut bon d’ajouter le capitaine.
« Très drôle ! » pensa Myles.
- Avez-vous une idée de l’endroit où vous passerez votre convalescence ? Si vous permettez, je vous déconseille les endroits trop chauds.
- J’aime aussi la montagne, affirma Myles.
- Voilà une chose réglée. Je vous laisse, je repasserai vous voir avant votre départ pour compléter votre dossier. D’ici là, reposez-vous ; on ne viendra plus vous ennuyer mais si vous avez besoin de quelque chose, appelez. Au revoir.
Myles enfonça sa tête dans l’oreiller en fermant les yeux. Soudain, une merveilleuse odeur de jasmin qu’il connaissait si bien envahit la chambre et des lèvres fraîches se posèrent sur les siennes et les caressèrent sensuellement. Une douce chaleur l’envahit, il était redevenu celui qu’il avait été.
- Wahoo ! s’exclama-t-il quand elle le laissa reprendre ses esprits.
- Si tu savais comme j’ai attendu ce moment !
- Ne t’excuse pas, tu as bien fait ; pour moi aussi c’était une véritable torture que de te savoir à côté de moi et de ne rien pouvoir faire d’autre que te tenir la main. A propos, sais-tu que je rentre à Washington par l’avion sanitaire qui part après-demain.
- L’ambassadeur me l’a dit, ce matin. Moi, je entre par la « valise diplomatique », ajouta-t-elle en riant.
Myles prit un air étonné et se mit à rire :
- Explique-moi, tu ne vas tout de même pas être enfermée dans…
- Non, rassure-toi, le coupa-t-elle. Je pars avec une délégation d’observateurs qui rentrent au pays demain. Je viendrai t’accueillir à l’aéroport. Ce que tu peux être stupide parfois !
Il se leva et fit quelques pas dans la pièce. Il avait maigri, il était pâle mais il tenait debout.
- Dis-moi, demanda-t-il, ça te dirait de venir passer quelques jours avec moi au lac Tahoe ? C’est très agréable à cette saison.
- Tu ne veux pas rester un peu avec ta famille ?
- C’est de toi dont j’ai besoin et de toi seule, tu me comprends ?
- Mais tes parents ? Et Anne et Andrew ?
- Dès qu’ils m’auront vu, ils retourneront à leurs occupations ; je les connais.
- Si tu vois les choses sous cet angle ! J’ai encore beaucoup de congés à prendre, je vais appeler le directeur Crawford. Il va m’arranger tout ça.
Elle marchait à travers la chambre de son pas souple danseuse ; ses cheveux étaient noués en chignon sur sa nuque. Elle portait un pantalon de lin marron et un fin chemisier de soie grège ; il s’avança vers elle et la prit dans ses bras. Cette fois, ce fut lui qui prit l’initiative du baiser ; ses mains s’égarèrent sous son chemisier et s’apprêtait à le dégrafer quand le Randy au féminin fit son apparition sans prévenir :
- Bon, ben on voit que vous allez mieux ! s’exclama-t-elle. J’espère que vous allez bientôt laisser la place à ceux qui en plus besoin que vous !
Ce fut Alexandra qui prit la mouche.
- Permettez ! fit-elle en lui arrachant son badge. Vous irez le chercher chez qui de droit et vous vous expliquerez avec lui. Vous êtes franchement odieuse, mademoiselle … Kendall. !
Kendall sortit en maugréant.
- Tu vas vraiment faire ce que tu as dit, demanda Myles, un peu inquiet.
- Je vais me gêner. Décidément, on ne peut être tranquille nulle part !
- Je crois qu’une douche froide n’est pas pire que ce genre d’apparition ! Au lac Tahoe, nous serons suffisamment éloignés des importuns, au moins.
Ils restèrent sagement assis au bord du lit jusqu’au départ de la jeune femme. L’ambassadeur l’avait conviée à la soirée d’adieu qui réunissait les observateurs avec qui elle devait voyager le lendemain. Elle quitta son fiancé à regret mais avant de partir, il détacha de son cou la chaîne avec la petite croix qu’Alexandra lui avait donnée :
- Elle a fait son travail, une fois de plus. Merci de me l’avoir prêtée.
Et il la rattacha à sa place initiale, non sans en profiter pour l’embrasser sur la nuque, ce qui la fit frissonner. Il la raccompagna jusque dans le hall ; ils se séparèrent à regret, bien entendu, mais cette fois, ils étaient certains de se retrouver très vite, à peine quarante-huit heures. Myles regagna sa chambre et s’allongea sur son lit car cette petite marche l’avait fatigué. Il ferma les yeux et sombra dans un profond sommeil réparateur.
La soirée à l’ambassade fut agréable et surtout ne dura pas très longtemps. Vers minuit, tout le monde était parti et Alexandra remercia encore chaleureusement l’ambassadeur et son épouse pour leur accueil si courtois. Elle partait trop tôt, le lendemain et ne voulait pas les réveiller. Ils lui firent promettre de revenir en visite avec Myles et lui dirent qu’ils les accueilleraient avec plaisir à l’ambassade.
La journée avait été longue. Alexandra boucla sa valise et se glissa dans son lit en songeant que, bientôt, se serait dans les bras de Myles qu’elle dormirait. Elle s’imagina allongée près de lui, dans sa chambre qu’il avait fait meublé par un designer de renom. Elle aimait tout particulièrement l’immense lit dont ils n’occupaient qu’une toute petite partie tant ils aimaient se tenir serrés l’un contre l’autre. Cette après-midi, elle avait retrouvé le goût sucré de ses lèvres, sentit ses mains sur elle… Et elle s’endormit sur ce souvenir.
Chapitre IX
Au revoir Aman, bonjour Washington ! L’avion amorçait sa descente sur Dulles. Elle prit congé des observateurs, récupéra ses bagages et se dirigea vers la station de taxis. Il était encore très tôt mais quelle ne fut pas sa surprise de voir toute l’équipe, Lévi en tête qui l’attendait ! Ce furent des effusions à n’en plus finir, chacun voulait qu’Alexandra monte dans sa voiture pour pouvoir satisfaire sa curiosité. La solution fut apportée par l’apparition de Sam Crawford ; il l’étreignit sans façon devant tout le monde :
- On peut dire que vous nous avez flanqué une sacrée frousse tous les deux, dit-il. Comment vas-tu et comment va-t-il ?
- Nous allons bien tous les deux, déclara Alexandra.
- Tant mieux. Je suis content pour vous. Ecoutez-moi tous, dit-il en haussant la voix, à journée exceptionnelle, moyens exceptionnels. Rendez-vous dans la salle de réunion du dernier étage où vous pourrez discuter tranquillement. Ensuite, vous reprendrez vos occupations, je vous accorde une heure, pas plus ! En route !
Ils rejoignirent les voitures et Alexandra fit le trajet avec Sam. Rien n’avait transpiré sur la mission qui n’avait pu être menée à bien car tous ses membres avaient été éliminés d’une façon ou d’une autre. Un autre groupe se tiendrait prêt à intervenir dans les semaines à venir et dans de meilleures conditions de préparation. Alexandra en profita pour demander à son chef un congé supplémentaire pour accompagner Myles en convalescence.
- Prends le temps qu’il te faudra. Lorsque j’ai consulté ton dossier, je me suis aperçu que tu avais des arriérés, répondit-il.
Les secrétaires virent passer toute l’équipe, bavardant joyeusement, précédée du directeur Crawford qui avait ordonné de préparer une grande quantité de café et de beignets. Toute l’équipe, non. Leland n’était pas là, ce qui confirmait bien leurs suppositions mais Warren était revenue. Elles se perdirent encore en conjectures mais personne n’en avait rien à faire, de leurs ragots.
Dans la salle de réunion les questions fusèrent de toute part. Alexandra y répondait de son mieux sans trop entrer dans les détails « techniques » et les amusa en racontant que Randy n’était pas un privilège réservé au FBI mais qu’il en existait aussi dans d’autres corporations et même des femmes.
- Myles les attire comme la confiture attire les guêpes ! fit Bobby.
Ils se quittèrent un peu avant la fin du temps imparti en se promettant de se retrouver le lendemain à l’aéroport pour accueillir Myles.
Félicia attendait Alexandra avec impatience. Elle la considérait comme la fille qu’elle n’avait jamais eue. Elle ne lui posa pas de questions : il lui suffisait de la regarder pour comprendre que tout allait bien. Le décalage horaire avait eu raison de la jeune femme et après avoir lutté pour rester éveillée le plus tard possible, elle donna congé à sa gouvernante et se coucha. Une longue nuit de sommeil lui ferait le plus grand bien car la journée du lendemain serait encore riche en émotions.
Le terrain militaire était certes moins prestigieux que l’aéroport international, mais plus discret. Les Leland au grand complet étaient déjà arrivés ainsi que d’autres familles : des épouses, des enfants et autres parents. Anne étreignit Alexandra. Philip lui donna une franche poignée de main ainsi que Andrew. Elisabeth hésita et finit par lui donner une accolade rapide.
L’avion était annoncé, deux ambulances roulèrent sur le tarmac et prirent position. Les équipiers de Myles se tenaient au fond de la pièce, Alexandra les rejoignit. L’appareil se posa et s’immobilisa à quelques mètres de la salle de réception officielle. Une porte s’ouvrit et un chariot élévateur déploya sa plateforme pour recueillir les blessés allongés sur des civières. Ils furent chargés dans les ambulances qui les conduisirent aussitôt dans les hôpitaux. L’attente devenait intolérable. Alexandra broyait la main de Dem. Une autre porte coulissa, la passerelle fut amenée et les hommes valides descendirent enfin. La haute silhouette de Myles se détacha et on sentit la tension diminuer. Il était là.
Toutes les familles se précipitèrent vers leur rescapé. Ce furent des larmes de joie et des embrassades à n’en plus finir. Pas chez les Leland.
- Heureux de te revoir en vie, Myles, dit Philip Leland en étreignant son fils.
- Bonjour, mon fils, dit sa mère qui ne voulait pas montrer son trouble en public et qui se contenta de l’embrasser sur la joue.
En revanche, Anne se laissa aller à son émotion et la joie de revoir son frère ne faisait plus aucun doute. Andrew, lui aussi, se livra. Dans le fond de la salle, personne ne bougeait. Des larmes perlaient dans les yeux des filles et les garçons cachaient mal leur joie. Alexandra qui s’était effondrée dans les bras de Dem, sécha bien vite ses larmes pour faire bonne figure. Myles regarda en direction du groupe et leur fit signe de la main de s’approcher. Après les effusions habituelles, il les présenta à ses parents et se dirigea vers Alexandra qui était restée à l’écart.
Les quelques pas qu’il fit pour la rejoindre lui semblèrent durer une éternité. Il lui prit les mains, les porta à ses lèvres :
- Tu m’as manqué !
Et sous les applaudissements de ses amis et le regard choqué de sa mère, il la prit dans ses bras et ils échangèrent un baiser qui en disait long sur leur relation.
- C’est indécent ! plaisanta Lucy à l’attention de madame Leland qui prit la remarque au pied de la lettre et approuva.
En entendant les rires qui fusèrent à ce moment, elle comprit qu’elle avait été jouée et demanda à son mari de rentrer sur-le-champ à Boston. Seuls restaient Anne et Andrew qui partageaient la joie commune. Le téléphone portable d’Alexandra sonna. C’était Sam Crawford qui souhaitait la bienvenue à Myles. Il lui annonça que Donald Jameson était rentré à New-York depuis deux jours et qu’il allait bien. Il lui dit aussi que « ON » allait prendre contact avec lui pour le féliciter personnellement.
- Qui est « ON » ? demanda-t-il curieux, à Alexandra.
- Je t’expliquerai, mon cœur, répondit-elle en rangeant son téléphone.
- Content de te revoir, dit Dem, soigne-toi bien et reviens-nous en pleine forme. Nous, on doit aller bosser !
Myles lui donna une tape dans le dos et la salle de réception se vida.
- Bien ! Et maintenant, dit Anne à son frère, que comptes-tu faire ?
- Essayer de rattraper la bourde de Lucy et ….
- Ne t’inquiète pas pour ça, coupa Andrew, tu as mieux à faire. Je m’en charge dès que je serai rentré à Boston. Je suis vraiment content de te revoir, frangin !
- Moi aussi, dit Anne en l’étreignant une nouvelle fois. Je conduis Andrew à l’aéroport et je te rappelle.
Les deux amoureux se retrouvèrent seuls. Myles se regarda et dit :
- Il faut que j’aille me changer, je ne suis plus en service.
- Dommage, la tenue de camouflage va bien avec la couleur de tes hématomes, dit-elle en riant.
Il la prit tendrement par le cou et ils quittèrent cet endroit qui semblait être une frontière entre ce qui avait été et ce qui sera.
Myles dut encore passer quelques jours de tests qui confirmèrent que son rétablissement était en bonne voie. Il obtint le feu vert pour s’envoler pour le lac Tahoe. Anne et Alexandra le ramenèrent enfin chez lui. Elles l’aidèrent à faire ses valises et le frère et la sœur rirent ensemble comme ils ne l’avaient jamais fait. Le téléphone d’Alexandra sonna.
- Laura, quel plaisir de vous entendre ! … Oui, vraiment, je suis soulagée …. Tout va bien …. Avec joie, bonsoir Laura et merci pour tout, je vous embrasse. …. Bonsoir, monsieur, comment allez-vous ? … oui, Myles est près de moi, je vous le passe, ne quittez pas.
Myles voulait savoir de qui il s’agissait.
- « On » veut te parler, dit-elle seulement.
Il prit le portable et se figea quasiment au garde-à-vous en reconnaissant la voix. Il écouta religieusement et remercia vivement avant de rendre l’appareil à sa fiancée.
- « On » a ton numéro de portable ? s’étonna-t-il.
- Tout comme j’ai son numéro privé, expliqua-t-elle. C’est une vieille histoire que je te raconterai peut-être un jour.
Et devant son air ahuri, elle ajouta, en lui donnant un petit baiser sur ses lèvres redevenues douces et sucrées :
- J’ai eu une vie avant toi !
- Bien ! Je crois qu’il est temps que je m’en aille, coupa Anne qui avait assisté à toute la scène. Je vois que tu as des appuis solides. Quand les parents vont savoir ça !
- Tu ne leur dis rien, s’il te plaît, demanda Myles en prenant sa sœur par les épaules. Ce sera notre premier secret.
Ils s’étreignirent chaleureusement.
- On se voit à votre retour ? demanda-t-elle.
- Pas de problème, répondit Myles.
Un dernier signe de la main et elle partit.
Alexandra s’approcha de Myles, debout sur le perron et passa son bras autour de sa taille. Lui, qui était mince de nature, avait encore fondu, mais cela lui allait bien. Il la serra contre lui.
- Eh voilà ! Te rends-tu compte que nous sommes enfin seuls, tous les deux, pour la première fois depuis bien longtemps ?
- Je croyais qu’on n’y arriverait jamais, avoua-t-elle.
- Et tu te souviens de ce que je t’ai murmuré à l’oreille, à Aman ?
- Myles !
- Je vois que tu t’en souviens, constata-t-il en riant.
- Es-tu sûr ?
- Je me sens en pleine forme. Le dernier arrivé a un gage !
Il se précipita dans l’escalier et arriva le premier dans la chambre, Alexandra sur les talons. Ils s’effondrèrent sur le lit en riant. Elle roula sur lui et à travers l’échancrure de sa chemise, elle vit, à la base de son cou, à gauche, ce petit grain de beauté qui l’excitait furieusement. Elle y posa les lèvres doucement, il frissonna. Il referma ses bras et la fit basculer. Il s’assit à califourchon sur elle et entreprit de défaire les boutons de sa robe. Alexandra riait de bon cœur en le voyant s’acharner sur le premier. .
- Mais qu’est-ce qui t’amuse ainsi ? demanda-t-il curieux de savoir pourquoi elle était hilare.
- Mon cœur, dit-elle entre deux éclats de rire, ce sont des faux, c’est juste pour faire joli !
- C’est malin ! s’exclama-t-il en s’asseyant au bord du lit.
Elle se retourna et lui présenta la fermeture à glissière. Il la fit descendre lentement en l’embrassant dans la nuque. Chaque fois qu’il la touchait, ne fut-ce que du bout des doigts, elle se sentait chavirer. Ce soir-là, la tempête fit rage et le soleil se leva sur deux naufragés qui dormaient serrés l’un contre l’autre dans ce lit immense dont ils s’obstinaient à n’occuper qu’une toute petite partie. Le petit séjour irakien de Myles ne l’avait pas trop affecté.
Au matin, Weber entreprit d’utiliser son nettoyeur à haute pression. Myles allait bondir, prêt à lui casser la figure mais Alexandra le retint en le plaquant sur le lit, allongée sur lui de tout son long :
- Ne me dis pas que tu veux ...
- Préparer le petit déjeuner ? coupa-t-elle. Si, j’y vais.
Elle se leva. Il la trouvait délicieusement indécente dans sa nudité. Il se tourna sur le côté pour mieux la regarder fouiller l’amas de vêtements à la recherche de quelque chose qui pourrait la couvrir. Il comprit ce que signifiait « tenue d’Eve » en la voyant simplement vêtue de ses longs cheveux qui lui descendaient jusque dans le bas du dos. Elle enfila la chemise de Myles qui traînait. Elle adorait porter ses chemises à même la peau, elle avait l’impression de lui voler un peu de lui-même. Elle s’aperçut qu’il l’observait :
- Voyeur ! s’écria-t-elle en lui lançant sa robe sur le visage.
En même temps, elle lui plaqua un gros baiser bien retentissant sur la poitrine. Elle disparut dans la cuisine. Quatre heures après, ils étaient dans l’avion qui les menait au lac Tahoe.
Un ami de Myles possédait un chalet au nord ouest du lac, dans la partie la plus sauvage, et le laissait à sa disposition autant qu’il le souhaitait car il voyageait à travers le monde pour son travail et ne s’y rendait que rarement. Myles aimait beaucoup cet endroit calme et verdoyant pour se ressourcer. Il y venait toujours seul, c’était la première fois qu’il y emmenait quelqu’un. Il pouvait rester assis des heures à contempler les eaux pures du lac qui reflétaient le ciel et réfléchir. L’air y était particulièrement léger. Le bruissement du vent dans les arbres rythmait le chant des oiseaux et il voulait partager tout cela avec Alexandra. Il était certain qu’elle aimerait.
Au petit aéroport, Gordon, le gardien les attendaient et il les monta jusqu’au chalet en 4X4. C’est ainsi que ça se passait chaque fois qu’un visiteur venait. Le soleil qui commençait à décliner embrasait le ciel et la forêt, et le lac semblait flamber sous ses rayons. Quelques bateaux ponctuaient ses eaux lisses rougeoyantes d’une touche blanche. La route large et sinueuse était bordée d’un à-pic profond qui tombait directement dans l’eau. La haute voûte des sapins noircissait au fur et à mesure que le soleil se cachait. En l’espace de quelques minutes, seul un rougeoiement subsista sur la rive opposée et la nuit tomba.
Gordon bifurqua dans un petit chemin à droite, roula une centaine de mètres à flanc de montagne et s’arrêta devant une superbe maison d’architecture moderne qui surplombait le lac. Il déchargea les bagages, rentra la voiture dans le garage et partit au volant de son pick-up après leur avoir souhaité le bonsoir. Alexandra le regarda s’éloigner d’un air étonné.
- Il est toujours comme ça, la rassura Myles. Viens, je vais te faire visiter.
La lourde porte s’ouvrit sur une immense pièce dont le mur opposé à l’entrée était constitué d’une baie coulissante ouvrant sur une terrasse qui dominait le lac. Au loin, sur l’autre rive, brillaient les lumières de la ville. Myles alluma et le living-room apparut avec sa grande cheminée sur la gauche. Les meubles étaient des créations de designers, sobres et fonctionnels et les couleurs vives des cuirs et des tissus se mariaient admirablement au bois des parquets et aux pierres apparentes des murs. La cuisine ultramoderne était séparée de l’ensemble par un bar auquel étaient accolés quatre tabourets hauts.
Ils poursuivirent la visite en se dirigeant vers la gauche. Une porte s’ouvrait sur un long couloir qui desservait trois chambres. Myles en ouvrit une et y déposa une valise.
- C’est celle que je préfère, dit-il. C’est aussi la plus grande.
Un immense placard encadrait la cheminée, à droite. A l’opposé, se trouvait le lit king size de style rustique et recouvert d’une couette habillée de patchwork traditionnel. De chaque côté, une table de nuit était surmontée d’une lampe en cuivre. Au bout de ce mur, juste avant la baie, une autre porte s’ouvrait sur la salle de bains et quelle salle de bains ! La baignoire était encastrée dans le sol en bois exotique rougeâtre, au fond, à l’opposé de l’entrée. A droite, s’étendait une autre baie vitrée et en face, deux bacs noirs, posés sur des supports de même bois que le sol, servaient de lavabos et jouxtaient une grande douche.
- Ton ami a un goût très sûr, remarqua la jeune femme.
- Il est comme toi, il aime les japonaiseries. Viens, je te montre les autres pièces.
Il lui fit visiter les autres chambres, tout aussi agréables mais moins typées. Après quoi, il l’invita à descendre au sous-sol. Quand il alluma, elle poussa un cri d’admiration : il venait d’éclairer une magnifique piscine intérieure ! Une autre baie vitrée s’ouvrait sur le lac. Ils remontèrent au salon.
- Tu as encore d’autres merveilles à me montrer ? demanda-t-elle.
- Suis-moi.
Il fit coulisser la baie et ils se trouvèrent sur la terrasse. On n’entendait aucun bruit, seul le bruissement du vent dans les arbres troublait la quiétude de la nuit naissante. Elle s’accouda au garde-fou. Devant eux, le lac miroitait de mille reflets d’argent. Elle frissonna.
- Tu as froid ? lui demanda-t-il en passant son bras autour de ses épaules.
Elle ne dit rien et se serra juste un peu plus contre lui. Ils regardaient droit devant eux, silencieux, émerveillés par ce paysage féerique. Ils allaient passer un fabuleux séjour au cœur de la nature.
Au matin, une sensation de vide réveilla Myles. Alexandra n’était plus là. Il la trouva assise sur la terrasse où elle dégustait son café en admirant le paysage. Le soleil levant avait complètement changé l’aspect du lac où se profilaient déjà de petits bateaux.
- Bonjour mon cœur, dit-il en lui embrassant les cheveux. Tu es bien matinale !
- Bonjour, fit-elle en se levant et en se lovant contre lui. J’avais envie de voir le lever du soleil. J’ai l’impression que tu as dormi comme un loir, je me trompe ?
- Pas du tout, et toi ? Je peux avoir du café ?
- Oui et oui.
Il la regarda intrigué
- Tu m’as posé deux questions et je te réponds oui aux deux questions, expliqua-t-elle.
- Oh ! Pas de subtilités avant le café ! s’exclama-t-il.
Elle lui tendit une tasse en souriant. Elle adorait son air désorienté, le matin. Il fonctionnait littéralement au radar. Elle aimait son allure négligée, mal rasée, dépeignée. En un mot, elle craquait.
- Pourquoi me regardes-tu avec cet air ? lui demanda-t-il.
- Quel air ? fit-elle innocemment en resservant du café.
- Tu m’observes avec attention …
- Je me dis que j’ai de la chance, l’interrompit-elle, beaucoup de chance de t’avoir auprès de moi après ce que tu as vécu.
Il la regarda, étonné.
- Eh ! Qu’est-ce qui t’arrive ? fit-il en lui prenant la main. Un coup de blues ?
Elle se leva et passa derrière sa chaise. Elle noua ses bras autour de son cou et posa sa joue dans ses cheveux. Il se laissa aller contre sa poitrine. Ils savouraient tous deux ce moment de tendresse avec délectation.
- Sais-tu de quoi j’ai envie ? dit-elle en glissant ses mains sur son torse.
- Hou la ! Tu ne vas pas me dire que tu veux faire ….
- Le tour du lac en bateau ; si, ça me plairait bien ! coupa-t-elle en riant. Myles, tu me prêtes de ces idées !
- Quelles idées ?
Elle releva une mèche qui retombait sur son front et s’enfuit en riant dans la salle de bains. Il poussa un soupir et desservit la table du petit déjeuner.
Chapitre XI
Les trois semaines de convalescence de Myles passèrent très vite. Entre les promenades à pieds, dont la distance s’allongeait de jour en jour, les longueurs de piscine et les longues de nuit de sommeil, il avait récupéré de son aventure irakienne et arriva ce matin-là au bureau en sifflotant. Quelle ne fut pas sa surprise de trouver l’endroit désert ! Personne pour lui faire remarquer sa bonne humeur. Une note de service, collée sur l’écran de son ordinateur lui demandait de se rendre à la bibliothèque où se tenait une réunion importante. Il tiqua un peu mais s’y rendit. Il poussa la porte et vit une banderole lui souhaitant la bienvenue. Ce furent à nouveau des effusions de joie. Même Sam Crawford était là.
- Leland, je vous souhaite un bon retour parmi nous et je veux que vous sachiez que nous sommes fiers de vous, affirma-t-il.
Myles, touché, fit mine de vouloir se lancer dans un interminable discours pour ne rien dire mais fut interrompu par Bobby :
- Ca va, Myles, on a compris, on t’a manqué aussi !
- Regardez-moi cette mine resplendissante, s’exclama Tara, plus aucune trace de quoi que ce soit. Alexandra s’est bien débrouillée.
- J’ai eu des difficultés, certaines fois, avoua Alexandra qui venait d’entrer discrètement derrière Myles.
Il se retourna surpris :
- Ah bon ? Et quand ?
- Quand tu refusais de te protéger du soleil, par exemple ou que tu voulais avaler des choses qui t’étaient encore interdites.
- Je suis désolé, fit-il avec une mine contrite qui provoqua l’hilarité générale et un wouf de Lévi.
Jack servit le café et Lucy fit circuler la corbeille contenant les petits gâteaux au chocolat favoris de Myles.
- Tu n’y as peut-être pas encore droit, dit-elle en interrogeant Alexandra du regard.
Il la regarda d’un air inquiet et poussa un soupir de soulagement lorsqu’elle acquiesça.
- Je suis passé à la révision et je suis apte à reprendre le service, précisa-t-il en s’apprêtant à mordre dans une de ces délicieuses pâtisseries. Alors me revoici comme avant !
- Ben ça promet ! Désolée, ma belle, dit-elle en s’adressant à Alexandra, mais nous on le supporte toute la journée !
Il lança un regard noir aux deux jeunes femmes.
- Attention à ce que tu vas dire, fit-il à l’intention de sa fiancée.
Elle s’approcha de lui, dépeigna les cheveux qu’il avait si bien coiffés juste avant de venir et lui chipa le reste de son gâteau :
- Moi, je n’en ai que les miettes que vous voulez bien me laisser et … dit-elle en faisant mine d’hésiter et le fixant droit dans ses yeux bleu délavé, c’est le meilleur moment.
- Merci mon coeur de prendre encore ma défense, dit-il en l’embrassant sur la joue, pour le gâteau, on verra plus tard.
- Décidément, tu es toujours aussi indécent, pouah ! fit Lucy en feignant une mine dégoûtée.
Ils éclatèrent de rire et Sam repartit avec Alexandra.
- Je suis heureux pour vous deux, lui dit-il alors qu’ils étaient seuls dans l’ascenseur. Vous êtes tellement différents et tellement semblables à la fois, l’assemblage est parfois détonant, mais c’est bien.
Elle le gratifia d’un superbe sourire quand elle arriva au septième étage. La vie reprenait son rythme habituel. Elle retrouvait ses dossiers et Myles ses investigations. Elle bavarda quelques instants avec Betty qui était ravie de revoir sa patronne car le jeunot, comme elle disait, qui l’avait remplacée n’avait pas de grandes connaissances et avait semé la pagaille dans ses dossiers. Elle lui dit également qu’elle se réjouissait que Myles n’ait pas été muté sur la côte ouest comme l’avait prétendu ses collègues du dernier étage. Pour finir, elle lui annonça que Marty Pavone l’attendait à treize heures au palais de justice.
- Votre attention s’il vous plaît, fit Tara en brandissant une liasse de papiers. Suite à plusieurs décès suspects au Mémorial hospital, la police a mené une enquête très approfondie dans le milieu hospitalier sans pouvoir vraiment en définir la cause. Ils ont eu plusieurs pistes qui se sont effacées assez rapidement. Cependant, plusieurs produits pourraient être incriminés et les services de santé ont ordonné de ne pas les utiliser jusqu’à ce qu’on ait la preuve de leur inocuité. Mais…
- Evidemment, s’il n’y avait pas de mais, ce serait trop simple, coupa Myles.
- Comme tu dis, reprit Tara. Mais, une attaque terroriste n’est pas exclue !
Le grand mot était lâché ! Terroriste !
- C’est pour ça qu’on nous refile le bébé, expliqua Dem. Sue, Tara et Lucy, vous allez reprendre les rapports d’enquête. Jack et Bobby vous filez interviewer les dirigeants de Clearwater. Myles, tu viens avec moi, on va rendre à une petite visite à S.F.P. autrement dit…
- Silver, Frost, Pine, là où travaille ma sœur, l’interrompit Myles. Ne me dis pas qu’elle est encore impliquée et qu’elle veut faire sauter la planète !
- Après ce qu’elle a vécu chez Callaghan et Mercer, je n’y songe même pas un instant, le rassura Dem.
Les laboratoires SFP se trouvaient à l’extérieur de la ville et la circulation était dense à cette heure de la journée. A la faveur d’un feu rouge, Dem demanda :
- Alors, ce mariage ? Vous devez être en pleins préparatifs !
- A vrai dire, répondit Myles, nos mères s’en occupent activement. Nous leur en avons tracé les grandes lignes et les avons priées de s’y tenir. Nous avons obtenu de limiter le nombre d’invités en menaçant de nous marier à Vegas.
- J’imagine le scandale ! s’exclama Dem en redémarrant. Tu sais, quand on t’a vu pour la première fois avec Alexandra, personne n’y a cru. On se disait que ça ne durerait pas, pas plus qu’avec Lucy ou les autres. Jack et Bobby étaient vraiment sceptiques.
- A propos de Jack et Bobby, dit Myles en se tournant vers son ami, tu sais si, par hasard, il y aurait eu quelque chose …. entre l’un ou … l’autre et … Alexandra quand ils étaient à Quantico ?
- Ce que je peux te dire et dont je suis sûr, répliqua Dem, c’est que Bobby était très attiré par elle, qu’elle est sortie avec lui mais, malheureusement, toujours accompagnée de deux ou trois copines. Tu connais Bobby, il n’a pas insisté.
- Je m’en doute, répliqua Myles en riant.
- Tu t’inquiétais ? Elle ne t’en a jamais parlé ?
- Non, je ne m’inquiétais pas, je voulais juste savoir, répondit Myles.
- Et le gala de charité à Boston, le mois prochain, ça tient toujours ? s’enquit Dem.
- Plus que jamais, assura son collègue. Elle est déterminée à damer le pion à tous ses anciennes condisciples et répète tous les jours avec acharnement.
- Qu’est-ce qu’elle prépare avec autant de détermination, tu le sais ? se renseigna Dem.
- Pas du tout, mais avec elle je crains le pire, depuis que je sais certaines choses, avoua Myles d’un air inquiet.
- Comme quoi ? interrogea Dem.
- Désolé, mais j’aime mieux ne pas en parler, conclut Myles avant de se replonger dans ses pensées.
Il leur fallut encore un bon moment avant d’arriver à destination. Les laboratoires S.F.P. étaient des leaders dans l’industrie pharmaceutique et fabriquaient plusieurs produits de pointe pour le traitement de la douleur. Ils demandèrent à rencontrer le directeur qui les reçut avec empressement. Il leur fit établir la liste du personnel et celle des produits fabriqués avec leur formule.
Au retour, les deux groupes qui étaient partis à l’extérieur avaient en leur possession des listes à étudier sur lesquelles ils planchèrent aussitôt. Les filles avaient fait la même chose de leur côté sur le rapport de police et rien ne semblait indiquer la moindre piste. A la fin de la journée, ils n’avaient pas avancé d’un pouce. Leurs yeux picotaient tellement ils avaient fixé les noms dans l’espoir d’y trouver la solution. Ils décidèrent d’aller boire une bière avant de rentrer chez eux, sauf Demetrius qui devait aller chercher son fils aîné à l’entraînement et Lucy qui avait repéré une adorable paire de chaussures qu’il lui fallait absolument.
Alexandra les rejoignit un peu plus tard en sortant de chez Marty Pavone avec qui elle avait passé la journée. Elle s’arrêta sur le pas de la porte de leur troquet favori et les observa. Ils étaient assis à leur table habituelle. Jack tenait Sue par la main et Bobby retirait son bras des épaules de Tara pour attraper les consommations. Myles se passait la main dans les cheveux ; cette première journée avait dû être difficile. Elle avança vers eux et les garçons se levèrent pour la saluer. Myles lui approcha une chaise à côté de la sienne et l’embrassa sur la joue ;
- Et pas de commentaire ! fit-il en riant. Alors, cette journée ?
- C’est plutôt à vous tous qu’il faut le demander, vous avez des têtes épouvantables, constata Alexandra en les regardant les uns après les autres.
- Je te raconterai, fit Myles, pour l’instant, on décompresse. Un thé au jasmin, comme d’habitude ?
Il fit signe à la serveuse qui arriva peu après avec le breuvage fumant.
- Je ne sais pas comment tu fais pour boire ce truc brûlant, remarqua Bobby.
- C’est de la pure gourmandise, mon cher, lui dit-elle en humant sa tasse. En parlant de gourmandise, le gala de charité de mon ancien lycée aura lieu le huit septembre. Tout est arrangé ; la maison de mes parents est suffisamment grande pour recevoir tout le monde et les enfants de Dem et Donna auront une baby-sitter puisque Félicia nous accompagne.
- Alors, tu vas danser ? demanda Jack. Un ballet ?
- Pas exactement, répondit-elle évasivement.
- Comment ça ? renchérit Tara.
- Je danse en solo, expliqua Alexandra.
- Tu veux dire que tu vas être seule sur scène, sans personne ? insista Myles. Et que vas-tu danser ?
- La danse des sept voiles de Salomé, de Richard Strauss, annonça-t-elle en guettant la réaction de ses amis et surtout celle de Myles qui ne se fit pas attendre.
- Mais c’est un streap-tease ! s’écria-t-il tout rouge. Je te l’interdis !
- Mon cœur, répondit-elle calmement, c’est du ballet classique et pas du cabaret. Il existe une tenue appropriée pour danser cela.
- Mais…
Elle lui ferma la bouche d’un petit baiser :
- Je porte sept épaisseurs qui rappelleront ma corpulence d’autrefois et lorsque Salomé retire le dernier voile, la lumière s’éteint progressivement et le rideau tombe. Quand je reviens saluer, je suis en justaucorps. C’est ça que tu appelles un streap-tease ?
Il la regarda d’un air contrit :
- Non, tu as raison, pardonne-moi, mais il faudra qu’on en parle, ce soir.
- J’ai encore autre chose à dire, ajouta-t-elle en lui prenant la main.
Qu’allait-elle encore annoncer ?
- Je vous ai tous inscrit sous votre vrai nom, sauf moi.
- Et pourquoi ? demanda Bobby.
- Je veux ménager un effet de surprise. Personne ne me reconnaîtra avec soixante kilos en moins, alors je me suis inscrite sous ton nom, Myles ; j’espère que tu ne m’en veux pas ?
Il porta sa main à ses lèvres.
- Comme je suis bon et généreux, je te pardonne !
- Quelle grandeur d’âme ! se moqua Sue.
- Nos familles ont accepté de marcher dans la combine, même madame Leland !
- Tu es sûre de toi ? demanda Tara.
- Complètement. Je veux leur faire regretter leur méchanceté. D’ailleurs, ne soyez pas étonnés d’entendre parler de la « barrique » ; ils vont me chercher, j’étais un tel sujet d’amusement. Mais cette fois, ce n’est pas moi qui serais la risée de toute la salle, croyez-moi.
Ils se séparèrent sur ses paroles et Alexandra rentra avec Myles, dans sa maison. L’intérieur était frais, ils s’installèrent dans la cuisine pour préparer le dîner. Pendant qu’il dressait la table, il lui demanda :
- Est-ce que je pourrais voir ce costume avant le spectacle ?
- Je peux même faire une répétition pour toi, si tu le souhaites. Le costume est dans ma voiture. Tu peux aller le chercher ?
Il prit les clés et ne se fit pas prier. Quelques minutes après, il ramena un énorme carton :
- Mais ça pèse une tonne ce truc-là ! Tu vas être assez solide pour le porter ?
- Bien sûr ! Regarde comme il est fait ! dit-elle en elle déballant. .Sept épaisseurs de latex que je vais ôter l’une après l’autre. Dis-moi un peu ce que les gens vont voir de moi ?
- Mais après ?
- Après ? J’aurai la tenue blanche avec la jupette. Rassuré ?
- A moitié.
- Et ces derniers voiles, je ne les ôterai que pour toi, ajouta-t-elle en cherchant ses lèvres.
- Cette fois, je suis complètement rassuré, murmura-t-il en répondant à son baiser.
Chapitre XII
Myles avait apporté un dossier et s’était installé dans son bureau après dîner pour achever de l’étudier. Alexandra, de son côté, avait préféré faire ses exercices quotidiens à la barre et s’était ensuite plongée dans un bain de mousse parfumée au jasmin. Elle enfila un pyjama en soie et sortit dans le jardin dont l’air était embaumé par les roses. Quand elle rentra, la lumière du bureau était éteinte. Elle monta. Myles était déjà couché et lisait. Elle s’assit en tailleur sur le lit :
- Tu as fini avec ton dossier ? demanda-t-elle.
- Oui, dit-il en posant son livre et en bâillant, et je n’ai rien trouvé qui puisse nous faire avancer. De plus, toute l’affaire a l’air de partir du labo qui emploie ma sœur.
- Tu peux m’en dire plus ou c’est confidentiel ?
Il lui raconta les décès inexpliqués, les conclusions de l’enquête de police et la crainte d’un acte terroriste. Ce produit s’appelle l’AMA et …
- C’est un dérivé morphinique utilisé pour calmer les douleurs, coupa la jeune femme.
- Tu connais ?
- On a malheureusement dû m’en administrer après mon accident ; c’est très efficace.
- Oh ! fit-il en lui faisant signe de s’approcher. Tu sais, j’aurais aimé être près de toi à ce moment-là pour t’aider.
- Tu es là maintenant, répartit-elle en se blottissant au creux de son bras, c’est le plus important. Et alors, cette affaire ?
- Tous les flacons ont été retirés de la vente et on attend le résultat des analyses. Dis-moi, mon cœur, c’est vrai que Bobby a essayer de te draguer autrefois ?
Elle se redressa à demi, surprise :
- Oui, mais c’est un secret pour personne. Tous ceux qui nous ont connus à cette époque pourront te dire qu’il n’a pas réussi à m’emBOBBYner. C’était pas mon type. Serais-tu jaloux ?
- Très drôle ! Et quel est ton type ?
- Tu connais la réponse, mon cœur, dit-elle en suivant du doigt, sur sa poitrine, les dernières petites cicatrices roses.
Il la serra un peu plus fort contre lui et éteignit la lampe. Ils se souhaitèrent bonne nuit tombèrent dans les bras de Morphée presque aussitôt. Cette première journée de travail avait été fatigante.
- Un peu de brainstorming pour se réveiller, annonça Dem. Chez Clearwater, il n’y a rien. Les employés sont là depuis longtemps et le patron les connaît tous ; il faut dire que la boîte est assez petite. En revanche, chez S.F.P., c’est différent. Ils sont leader sur le marché pour ce genre de produit et le personnel tourne beaucoup. La dernière embauchée étant Anne Leland au service juridique. Le chef du personnel qui est dans la maison depuis plus de vingt ans a vu passer beaucoup de monde en l’espace de deux ans et à des postes de responsabilités, au laboratoire.
- Alors on peut envisager un travail de longue haleine avec des terroristes différents à chaque fois, avança Jack. Un gars entre comme chimiste, fait ce qu’il a à faire, puis un autre prend la relève après et ainsi de suite, jusqu’à ce le but recherché soit atteint.
- En l’occurrence, poursuivit Myles, il s’agit ici de contaminer un produit d’utilisation limitée avec un poison puissant comme pour faire un test.
- Pourquoi un produit d’utilisation limitée ? demanda Tara..
- C’était sans doute un essai comme tu dis, Myles, supposa Dem. On risque de se retrouver à plus ou moins longue échéance devant un problème beaucoup plus important s’ils réussissent à contaminer autre chose.
- Quoi, par exemple ? demanda Lucy. L’alimentation en eau de Washington, ce serait pas mal, non ? Ca toucherait beaucoup de monde.
Ils se regardèrent effarés. L’hypothèse de Lucy était pourtant vraisemblable.
- Reprenez la liste du personnel de S.F.P. et vérifiez s’il y a eu des changements fréquents à certains postes et qui les a occupés ou tout ce qui peut paraître suspect, ordonna Dem.
- J’ai cinq noms sur le même poste en l’espace de deux ans, annonça Tara triomphante. Regardez : John Ashton, Steven Fergusson, Paul Devereau, Jason Halimi et William Carpenter. Je me renseigne sur eux.
- Merci, dit Dem, il faut aussi voir les autres sections, on ne sait jamais.
Au septième étage, les méninges travaillaient dur. Randy était revenu dans le bureau du chef du service juridique pour lui demander déposer une plainte en bonne et due forme contre l’entrepreneur qui devait se charger de la réfection des nouveaux bureaux et qui avait tout laisser en plan.
- Ce dossier m’a l’air solide à première vue, dit Alexandra. Je vais étudier encore une fois les termes du contrat et je déciderai de la procédure à suivre.
- Alexandra, je veux que vous sachiez que je suis ravi de travailler avec vous, avoua Randy d’un ton mielleux en lui tendant une main molle et gluante.
- Alors tant mieux parce que ça risque de durer un bon moment, renchérit-elle en évitant de répondre à son geste. Maintenant, veuillez m’excuser, j’ai du travail.
Elle le poussa littéralement dehors. Elle comprit alors l’aversion que Myles pouvait éprouver pour lui. Dire qu’elle avait accepté de faire des gâteaux au chocolat pour le club de sa mère. Mais que ne ferait-elle pas pour aider Myles ?
Bobby s’étira et se leva pour se servir un café.
- J’ai fait chou blanc dans les autres sections, dit-il, rien qui puisse nous renseigner. Et vous ?
- Rien à la comptabilité ! ajouta Myles.
- Rien pour moi non plus, renchérit Sue.
- Voilà … un peu de patience … regardez ce que j’ai trouvé, fit Tara. Il fallait y penser. Ils ont tous les cinq effectué un stage dans une université saoudienne et devinez dans quel domaine ?
- Tu vas dire … la chimie ? hasarda Myles.
- Bingo ! Tu as tout compris, approuva Tara.
- Et qu’est-ce qu’on fait dans ces pays-là quand on a des compétences dans certains domaines ? poursuivit Jack.
- On se fait recruter par Al Qaida, conclut Bobby.
- C’est trop facile ! s’exclama Dem. Bon, je me procure des mandats et on va aller papoter un peu avec ces messieurs. Tara, tu nous sort leurs adresses, s’il te plaît. Quel celui qui travaille encore au labo ?
- Ils sont deux, répondit Tara, Ashton et Halimi.
- Bon, ce sont les plus dangereux, ils ont les toutes les clés en main. On va s’en occuper personnellement. Myles, appelle ta sœur et demande-lui de quitter son travail sous un prétexte quelconque et dis-lui de venir ici, chez Alexandra, par exemple.
Myles s’exécuta rapidement. Anne ne posa pas de questions et accepta la proposition.
- C’est bon, elle arrive, dit-il.
- Lucy, tu préviens Alexandra et tu lui expliques, s’il te plaît, ordonna Dem. Appelle aussi la brigade d’intervention pour aller cueillir les deux autres chimistes. Bon, on y va, les gars !
Le sort en était jeté. Quelle ne fut pas la surprise d’Alexandra lorsque Lucy la prévint que Anne serait dans les locaux du FBI dans quelques instants ! Elle décida de rejoindre ses amies au troisième étage et partit avec un dossier sous le bras.
Lorsque Anne arriva, elles étaient à l’écoute, rassemblées autour de Tara. Elle les salua d’un signe de la main mais elles lui demandèrent de se taire. Il se passait quelque chose, des coups de feu claquèrent, des ordres fusaient, Dem menait le jeu. Les minutes semblaient figées, une cavalcade dans un escalier de fer, du verre brisé, à nouveau des coups de feu, des cris étouffés, une chute et le cri de ralliement des terroristes : « Allah… » qui ne s’acheva pas car un dernier coup de feu l’empêcha de poursuivre. Et la voix de Dem :
- Ca y et, c’est fini, on rentre.
Anne n’en croyait pas ses oreilles : elle venait de vivre en direct une intervention du FBI. Elle en était abasourdie.
- Je ne pourrais pas supporter ça, sachant que quelqu’un que j’aime risque sa vie, dit-elle. Comment faites-vous, toutes les trois ?
- Nous sommes aussi des agents et nous savons qu’ils ne prendront pas de risques inutiles, expliqua Sue. Mais bientôt, vous allez assister au meilleur moment, le retour des héros !
Lucy apporta du café pour tout le monde et elles attendirent impatiemment que les agents spéciaux reviennent. Sam Crawford, en personne, descendit de son dernier étage pour les accueillir.
- Bravo, messieurs, vous avez fait du bon travail, les félicita-t-il en leur serrant la main et il partit.
Anne se précipita dans les bras de son frère qui la réceptionna avec surprise. Sue étreignit Jack et Tara sauta au cou de Bobby. Lucy gratifia Dem d’une tape amicale dans le dos. Alexandra était restée appuyée au bureau de Myles.
- Excuse-moi, dit Anne à son frère en s’écartant de lui.
- Ce n’est rien, la rassura-t-il en s’avançant vers sa fiancée qu’il prit dans ses bras.
Lucy n’avait même pas envie de faire de commentaire désobligeant. Ce fut Bobby qui s’en chargea :
- Regardez-moi ça, il a deux jolies filles rien que pour lui ! Moi aussi, j’aimerais bien rentrer de mission dans ces conditions….
Un coup de pied de Tara lui coupa la parole et provoqua l’hilarité générale. Ils étaient sains et saufs et une fois de plus ils avaient sauvé la démocratie.
- Qui aurait envie d’une jacuzzi partie avec barbecue, proposa Alexandra.
- Ca marche pour moi, répondit Tara.
Bobby, Lucy, Jack et Sue approuvèrent l’idée.
- Anne, vous vous joignez à nous j’espère, fit Alexandra, je vous prêterai un maillot de bain.
- Le maillot est obligatoire ? interrogea Bobby, malicieux.
Anne eut un petit mouvement de recul puis comprit qu’il plaisantait. Son visage s’illumina :
- D’accord, je viens mais à une condition.
Myles la regarda, un peu inquiet.
- Laquelle ? demanda-t-il.
- Elle ne dépend pas de toi, mon cher frère. Alexandra, j’aimerais, si c’est possible, bien entendu, que nous nous tutoyions.
- Ce sera avec plaisir, répondit sa future belle-sœur. Alors, viens vite que je te fasse essayer un maillot.
Et les voilà parties, discutant coupe, taille et couleur. Myles leva les yeux au ciel en signe d’incompréhension et les suivit. La soirée fut très gaie et surtout très mouillée.
Chapitre XIII
Cette fin d’été était particulièrement chaude à Boston. Le vieux manoir des Warren, située un peu à l’écart de la ville, au milieu d’un parc aux arbres centenaires était frais et agréable. Alexandra avait assigné une chambre à chacun et les enfants de Dem occupaient ce qu’elle appelait autrefois la nursery, c’est-à-dire là où elle avait tous ses jouets. Le parc et la piscine leur laissaient aussi la possibilité de s’ébattre à leur aise et surtout, ils pouvaient monter les deux poneys shetland de l’écurie.
On s’affairait dans les chambres pour cette soirée si importante pour Alexandra. Elle-même était dans sa chambre de jeune fille, assise devant sa coiffeuse, à se faire un chignon. Elle avait fait couper une bonne longueur de ses cheveux qui ne lui arrivaient plus que sous les épaules. Elle piqua la dernière épingle et se regarda satisfaite du résultat. Myles se battait avec son nœud papillon dans la salle de bains.
- Mon coeur …
Il s’interrompit, éberlué, en la voyant devant lui. Elle portait une robe longue en soie orange pâle, au décolleté bénitier devant mais plongeant derrière. Des diamants ornaient ses oreilles et son cou. Dans ses cheveux, elle avait fixé une étoile en strass. Son maquillage était invisible, seuls ses yeux verts étaient mis en valeur par ses longs cils noirs et une touche de rose sur ses lèvres.
- Tu es magnifique ! s’exclama-t-il en l’observant.
- N’oublie pas que je suis madame Myles Leland pour la soirée et que je veux te faire honneur, dit-elle en lui nouant son nœud papillon.
Il lui baisa les mains.
- Mais tu n’as pas d’alliance ! s’exclama-t-il.
- Je vais utiliser celle de ma grand-mère, dit-elle en sortant un simple anneau en or d’un coffret.
Elle voulut la passer à son doigt mais Myles la retint :
- Attends !
Il lui prit la main gauche et glissa l’anneau à l’annulaire ; ils ressentirent un moment d’émotion intense. Ils restèrent à se regarder un bon moment avant de réagir. Leurs visages se rapprochèrent lentement et ils s’embrassèrent.
- Tu crois que c’est comme ça pour les mariages ? demanda-t-elle.
- Je ne sais pas, on verra, mais c’est une excellente répétition, répondit-il en caressant sa joue. Comment te sens-tu pour appréhender cette soirée ?
- Zen ! Tu es là, vous êtes tous là. Je saurai faire face. Eh bien voilà, nous y sommes. On y va ?
Tara et Bobby les attendaient déjà au salon où ils furent rejoints par Jack et Sue avec Lévi à qui elle avait mis un nœud papillon, puis Lucy.
- Mesdemoiselles, vous êtes magnifiques ! s’exclama James Warren en entrant dans la pièce. Vous allez faire des envieux, messieurs.
- Nous saurons refroidir leurs ardeurs, assura Myles.
- Si vous êtes prêts, les voitures nous attendent, indiqua le père d’Alexandra.
La salle de réception était décorée avec goût. A l’entrée, une jeune femme distribuait des badges avec le nom des invités :
- Bonsoir, fit-elle avec un sourire commercial. Vous êtes nombreux !
- Nous sommes les invités de mademoiselle Warren, dit Myles.
- Ah oui ! Elle n’est pas encore arrivée. Alors, Demetrius Gans et madame, Jack Hudson et Sue thomas, Lucy Dotson, voilà votre badge, Bobby Manning et Tara William, les vôtres et Myles Leland et madame. Votre table est la numéro 12, au fond, près de la porte, vous comprenez…
- Non, nous ne comprenons pas, répliqua Jack sèchement.
- Bien sûr que si, voyons, dit la femme en rougissant, vous savez bien…
Elle s’enfonçait dans ses explications vaseuses. Ils lui tournèrent le dos et s’installèrent à leur table, la plus mal placée de toutes.
- Ca commence bien ! s’exclama Bobby. On voit tout de suite que tu n’étais pas la plus populaire des élèves de ta promo !
Les parents de Myles venaient d’arriver avec Anne et Andrew et vinrent saluer le groupe. Elisabeth Leland s’indigna de l’emplacement de la table mais son mari la calma en lui expliquant que c’était une preuve supplémentaire de la discrimination dont Alexandra avait souffert et qu’il fallait en passer par là.
La musique de fond s’arrêta, la lumière s’éteignit dans la salle et sur scène apparut Judy Bauman, la présidente de l’association des anciennes élèves. Elle était très élégante comme à son habitude et n’avait pas pris une ride depuis presque vingt ans. Elle remercia la présence des officiels, en particulier James et Katherine Warren. Elle salua également Philip Leland, membre du conseil d’administration et regretta l’absence du major de la promotion, Alexandra Warren. Elle annonça le programme de la soirée : le repas serait servi dans quelques instants puis les invités auraient le plaisir d’assister à un spectacle de danse offert par une école de Washington. Pendant le dîner, d’anciennes élèves présenteraient des intermèdes musicaux. Quand elle eut fini, elle s’avança vers la tale du fond et se présenta avec un accent pointu :
- Bonsoir, je suis Judy Bauman, Garfield de mon nom de jeune fille. Je vois qu’Alexandra n’est pas encore arrivée. Alors comme ça, vous êtes ses amis !
- Myles Leland, III° du nom, fit Myles en s’inclinant cérémonieusement devant elle.
Elle eut un mouvement de recul en entendant ce nom :
- Vous êtes parent avec Philip Leland ? demanda-t-elle en manquant s’étrangler.
- Son fils, précisa Myles triomphant.
Il avait marqué é un premier point.
- Charmée ! roucoula-t-elle. Excusez-moi, je dois m’occuper de tout ici.
Elle les quitta comme si elle était réellement sollicitée de toute part et les laissa hilares devant tant de prétention.
- Tu étais au lycée avec ça ! s’exclama Lucy.
- Je trouve qu’elle s’est améliorée depuis, dit Alexandra en reprenant son souffle. En tout cas, mon cœur, quelle classe !
- Ca j’ai adoré la courbette, fit Bobby. Tu l’as bluffée.
Et ils rirent de plus belle. Le menu était très banal et fut agrémenté des prestations au piano de deux jeunes femmes, une autre se lança dans une interprétation de « Memory » de Streisand et une autre s’aventura sur la pente glissante du grand air de la « Traviata » qui l’acheva. Alexandra les quitta avant le dessert accompagné de Myles qui l’aida à enfiler sa tenue de sumo, comme il avait baptisé son costume. Judy se fit un plaisir d’apparaître à nouveau sur scène pour annoncer :
- celle que nous attendions tous avec impatience est enfin arrivée et va nous danser la danse des sept voiles, extrait de l’opéra de Richard Strauss, « Salomé ». Alexandra Warren, à toi !
Eclat de rire dans la salle ; la lumière s’éteignit sur la scène puis réapparut progressivement. Des rires et des huées saluèrent la silhouette rondouillarde qui commençait à s’agiter. Les amis de la jeune femme serraient les poings en se regardant. Ils étaient loin de penser qu’une telle méchanceté pouvait exister. Alexandra semblait imperturbable et sourde aux manifestations. Bientôt, elle ôta la première couche de latex, le public commença à se calmer. Myles était resté dans les coulisses et ne perdait pas une miette de sa prestation. Il était très fier de son courage.
La deuxième couche tomba, puis la troisième et à chaque fois, on sentait dans la foule un intérêt grandissant. Au début, on voulait se moquer de la « barrique »mais maintenant …Quand la sixième carapace fut arrachée, le suspens était à son comble.
- Elle ne va tout de même pas finir nue, s’inquiéta Donna.
- Chut ! Regarde, fit Dem en lui prenant la main.
Libérée du poids de son costume, elle dansait de mieux en mieux ; le silence régnait parmi les convives, seule la musique et le frottement des chaussons de danse sur le plancher étaient audibles. Le septième voile s’envola et elle apparut dans son justaucorps blanc. Elle fit encore quelques pas, légère et aérienne et la lumière s’éteignit peu à peu. La salle en avait le souffle coupé ; ce fut la table 12 qui réagit en premier et qui se leva en bloc pour applaudir et siffler, suivie des officiels dont les parents de Myles et Alexandra. Les anciennes condisciples ne savaient plus quoi faire. Elle réapparut sur scène et salua.
Dans les coulisses, Myles l’attendait :
- Tu les as bien eus, mon cœur, dit-il en lui tendant un peignoir. Tu as été fabuleuse.
- Merci, dit-elle légèrement essoufflée. Je me change et j’arrive.
- Je vais faire le guet à la porte de ta loge afin qu’on ne te dérange pas.
Elle revint peu après, le teint encore un peu échauffé de l’effort qu’elle venait de fournir. Son école de danse avait terminé son ballet et l’orchestre attaquait le bal. Myles la prit dans ses bras et lui donna un baiser passionné.
- J’en mourai d’envie, dit-il. Viens, on va dans la salle, sinon Lucy ou Bobby vont encore s’imaginer des choses.
Ils rejoignirent leurs amis en riant. Les garçons se levèrent quand elle arriva.
- Wahoo ! s’exclama Bobby. Tu les as renversés. Regarde-les baver, ils en oublient d’inviter leurs épouses bien pensantes !
En effet, tous les yeux étaient tournés vers le couple qui venait de regagner la table 12.
- Est-ce que la madame Leland d’un soir accepterait de danser avec moi ? demanda Myles en lui tendant la main.
Elle lui sourit et se leva pour le suivre. Elle se blottit au creux de son épaule pour danser ce slow ; elle était calme et apaisée, elle était heureuse. Quand la musique changea, un homme vint l’inviter mais, à la grande surprise de Myles, son père s’interposa :
- Vous m’aviez promis cette danse, ma chère, dit-il en la faisant tournoyer sous le regard in crédule de l’éconduit.
- Ca alors, je ne t’ai pas reconnu, fit Judy qui dansait avec son mari à côté du couple. Tu as tellement …
- Maigri, allez, dis-le, coupa Alexandra.
- Oui, on s’attendait tous à te voir … comme avant … avec tes robes… si on pouvait appeler ça des robes.
- Je vois avec plaisir que vous vous connaissez, intervint Philip Leland que cette conversation commençait à agacer. Savez-vous qu’Alexandra est ma future belle-fille ?
Judy faillit en crever les poches de silicone qui gonflaient ses seins.
- Décidément, tu t’es bien rattrapée, lança-t-elle en allant rejoindre le groupe des médisantes déjà constitué au lycée.
Monsieur Leland raccompagna Alexandra à sa table :
- Cette Judy est une chipie, annonça-t-il à son fils sur le même ton que celui-ci aurait employé.
Myles le regarda traverser la salle, inquiet :
- Qu’est-ce qu’il se passe ? Il veut tuer quelqu’un ?
- Je crois que mon amie Judy va en faire les frais, expliqua-t-elle. Mais ça n’en vaut vraiment pas la peine.
- Alors, mon cœur, c’est une bonne nouvelle, la famille t’a adoptée.
Il prit sa main et la garda dans la sienne. Les autres revinrent de la piste.
- Tu nous as bluffés, s’exclama Dem.
- C’était incroyable, cette transformation, ajouta Donna, et ce maquillage !
- A propos, j’ai bien compté les sept voiles, mais il en restait un, fit Jack innocemment.
Elle serra un peu plus fort la main de Myles :
- Le huitième est réservé.
- Petit veinard, s’exclama Bobby qui reçut aussitôt un coup de pied de sa douce moitié. Aïe !
Ils retournèrent sur la piste en faisant en sorte que personne, hormis eux et la famille, ne puisse danser avec Alexandra. Tant et si bien que les loups baveurs en furent pour leurs frais et repartirent la queue entre les jambes ; ils allèrent rejoindre leurs louves aux dents acérées qui en avaient pour un bon moment à se demander quels actes de chirurgie esthétique réussiraient à leur modeler une silhouette comme celle de la « barrique ».
Sur le chemin du retour les discussions allaient bon train. Le lendemain, ils devaient tous déjeuner chez les Leland mais avant, ils avaient besoin d’une bonne nuit de sommeil pour se remettre de leurs émotions.
Alexandra entra dans sa chambre suivie de Myles qui ferma la porte à clé. Cela la fit sourire :
- Tu as peur que Judy nous poursuive jusqu’ici ? dit-elle en s’allongeant sur le lit. Elle prit son gros nounours dans les bras et lui dit : « Tu vois, je t’avais promis que Myles viendrait dormir avec moi dans ce lit, j’ai tenu ma promesse. »
- Tu fais des promesses à un ours en peluche ! s’exclama-t-il.
- Oui, il était le seul à qui je pouvais confier mes craintes de ne plus te revoir quand tu étais en Irak.
Il avait défait les boutons de sa chemise et ôtait ses boutons de manchettes :
- Tu as encore une promesse à tenir, lui rappela-t-il.
Elle se leva et fit descendit le fermeture de sa robe qui glissa en caressant son corps. Elle ne portait plus qu'un minuscule string. Myles la serra contre sa poitrine et l’alchimie du contact de leurs deux peaux fit le reste.
FIN
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